Très belle invitation à garder les clefs de son cerveau. Elle est adressée aux plus anciens et anciennes. Une invitation lancée par Michel Serres. En plus d’être un grand érudit, un homme qui avait le sens de l’humour et aimait jouir des petits et grands plaisirs de la vie. Le présenter plus en détails ? Ses livres et conférences le feront beaucoup mieux que quelques lignes de blog. En tout cas, l’écouter est un baume au cœur. Et au cerveau. Son propos nous change du « vide bruyant » qui encombre un grand nombre de médias. Et parfois pollue nos existences au quotidien. Une pépite visuelle et sonore ou dans une ère ou n’importe quelle grande gueule – vue à la télé et sur les réseaux – pèsera plus qu’un penseur comme Michel Serres et tant d’autres occultés par le bruit en cours. Toutefois peut-être un bémol à cette interview. Ou plutôt une interprétation à chaud.
Cette vidéo ne s'adresse pas qu'aux anciens. C’est une invitation à toutes les générations. Peut-être même en priorité : les plus jeunes oreilles et regards. Souvent les plus enclins et enclines à se faire manipuler. Qu’il s’agisse de la manipulation de youtubeurs, de youtubeuses, et autres animateurs et animatrices – avec une très grande culture de l’occupation du vide - ne se nourrissant que de haines et de divisions. Certains hommes et femmes politiques ont réussi aussi à prendre les clefs de nombreux jeunes cerveaux. Toute une partie de la jeunesse prête à se tirer une balle dans le pied en offrant la démocratie à ses pires ennemis. Elle oublie un passé – pas si lointain sur l’échelle de l’histoire de l’humanité – qui a envoyé des millions d’individus dans les camps de la mort. Donner les clefs de son cerveau, c’est dans tous les cas abdiquer. Renoncer à son esprit critique. Et accepter de se transformer en une marionnette. Comme celles qui, ici ou là, hier et de nos jours; des individus aux cerveaux vidés et reprogrammés pour massacrer telle ou telle population. Un programme inefficace quand on conserve les clefs de son cerveau.
Guère un scoop ce que je raconte. Et c’est beaucoup plus explicite de la bouche de Michel Serres. Et d’autres nous poussant à ne jamais filer les clefs de son cerveau ; même à ses autres proches, sa radio et autres médias préférés, son psy, ses profs, etc. Merci à elles et eux de nous remettre des piqûres de rappel de penser contre soi et de doute. Pourquoi répéter ce que d’autres disent beaucoup mieux que soi ? La question peut en effet se poser. Se contenter de butiner telle ou telle émission de radio ou de télé, se plonger dans la lecture d’un livre avec une pensée complexe, regarder un film avec du, pour en faire son miel individuel. Ou de le partager dans son entre-soi. Un groupe de convertis autour de la même tartine de miel. Pourquoi pas.
Toutefois, cette tartine de l’entre-soi ne contribue-t-elle pas entre autres à laisser des cerveaux céder leurs clefs à n’importe quelque grande gueule fielleuse de notre époque ? Certes, on peut s’en foutre. Et continuer de comparer nos miels issus des mêmes us et coutumes culturels. Avec de temps en temps aux élections un coup de flip électoral, avec en partie la peur qu’on nous sucre notre tartine. Puis, l’orage populaire passé, on reprend nos petites habitudes. Chacun et chacune libre de partager ou non sa tartine. Mais, à force de ne déboucher les yeux qu’en période de crise, le fiel aura fini par tout envahir. Jusqu’à boucher de plus en plus de canalisations mentales. Même les nôtres soi-disant alimentées par les meilleurs miels du moment. Suffit de voir certains grands esprits se vautrer dans des bauges médiatiques. Un spectacle triste et pathétique. Mais surtout extrêmement dangereux à terme pour la majorité de la population. Que faire pour au moins essayer de ralentir la coulée de fiel nationale et planétaire ? On ne pourra pas dire que nous ne le savions pas. C'est sur tous les écrans.
Garder le bon miel en petit comité ? Certains et certaines ne vont pas vouloir changer leurs habitudes. Libres à elles et eux de rester en petit comité autour de leur tartine. C’est leur choix respectable. Après tout, qui sommes-nous – chair mortelle et douée d’imperfections – pour nous croire dépositaire de ce qui est mieux et de plus beau pour ses colocataires de planète. Toutefois, d’autres – beaucoup plus conscients de la menace ou moins entresoicentrés- essayeront de faire goûter leur récolte de miel à un plus grand nombre. Notamment les êtres ne l’ayant jamais goûté, pour telle ou telle raison. Sortir de sa zone de butinage pour proposer son miel ici et là. Même si le fiel occupe le terrain avec ces vitrines très visibles et disséminées par tout. Une très grosse force de frappe commerciale, avec juste un entrefilet quasi-invisible au bas du contrat : le dépôt des clefs de cerveau. Préférer ce que nous considérons comme du fiel ( les youtubages et certaines radios et télés) est aussi un choix respectable. Même si ça nous agace profondément. Avec l’envie de secouer les cerveaux ayant laissé leurs clefs à l’entrée du grand magasin à décervelage. Et soi dans le flux continu d'images et de sons de notre époque ? N’avons-nous pas laissé nos clefs de cerveau dans notre boutique préférée ?
Trêve de digression et place à la conclusion. Pour éviter des écueils récurrents (ça m’est arrivé et encore de temps en temps) de celle ou celui persuadé d’être du bon côté de la bonne idée, il me semble important d’adopter une règle. Laquelle ? Proposer le produit de son butinage, sans pour autant se croire dépositaire du meilleur miel. Et de la seule bonne pensée, le seul bon humour, la seule bonne vision du monde, etc. Éviter le mépris et la condescendance poussant de plus en plus de citoyens et de citoyennes à déposer les clefs de leur histoire entre des mains dangereuses occupant les écrans de contrôle. Comment éviter le travers du donnage de leçons ?
Se contenter de faire goûter un miel qu’on aime. Sans en rajouter. Laisser aussi le miel effectuer sa part de travail. S'il est bon, nul besoin de donner des explications. Se mettre sur le côté et observer. En espérant que miel fera son effet. Et donnera envie d’y re goûter. Ainsi qu’à d’autres miels. Comme cette vidéo.
Du miel toujours d’actualité.