Hier dans un train, une femme d’une trentaine d’années était plongée dans la lecture de Closer. Elle bougeait la tête au rythme de ses écouteurs. Un large sourire aux lèvres. Soudain, elle se leva et rougit.Très mal à l'aise.
« Je comprends, s'étonna-t-elle, pourquoi je me trouvais si bien ici. Je sentais bien quand même que quelque chose clochait. J’ai un billet de seconde. Je me suis juste trompée. ».
Sourire crispé, elle se justifiait et se ratatinait sans s'en rendre compte. Presqu'un regard d'adolescente surprise à fumer en cachette. Expulsée brutalement de sa lecture; Elle était anxieuse à l'idée que son honnêteté puisse être prise en défaut. Pas une fraudeuse. Elle sortit précipitamment de la voiture.
Combien ont voté FN car eux-aussi aimeraient voyager en première classe ? Profiter du confort de la modernité. Aujourd’hui, nombre de citoyens se rendent compte que certains de leur concitoyens, vivant sous le même ciel républicain qu'eux, ont accès à des droits auxquels eux-aussi peuvent prétendre (Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, etc) sans jamais pouvoir les concrétiser. Que du virtuel pour une grande partie de la population sans carnet d’adresses. Plutôt avec carnet de maladresses. Et pas dupes de leur décalage avec les élites. Un gouffre social et culturel.
Un étudiant ( pareil pour une étudiante) issu de milieu très modeste ou de la classe moyenne, peut-être gêné parfois par les débats dans les médias - mêmes ceux proches de ses idées.Malgré son intérêt, il finit toujours par trouver que ces joutes verbales on un arrière-goût d'«entre- soi ». Gêné aux entournures par une irrépressible impression d'avoir affaire à une même famille se partageant le micro. La plupart d'entre eux, même en désaccord sur le plan politique, dépositaires des mêmes codes. Façon de parler, de se tenir, de se vêtir, de rire aux mêmes vannes... Loin des rites de sa propre famille ou de ses voisins de palier. Bien que quelques-uns de ces débatteurs soient issus des mêmes origines sociales que les siennes. Des exceptions confirmant la règle de l'inégalité des chances?
Cette règle à laquelle, lui et ses ancien coloc de cours de récré, sont assignée. Condamnés à être l'exception, le faire valoir que c'est possible en s'accrochant. Commence-t-il à être atteint du "touspourritisme" ? Moi, je ne me ferai jamais manipuler par le FN, se ressaisira-t-il à l'abri de son savoir. Proche des idées de Médiapart et des progressistes. Culpabilisant toutefois de penser " un peu " comme les obscurantistes et tous les fachos qu'il combat. Lui, le prolettré, devienu bas du Front ?
En effet, comme la plupart des lecteurs de Médiapart et auditeurs de France Culture, cet étudiant ne basculera pas dans un vote d'extrême-droite. Quoi que, brillant élève de « Sciences Po promotion ZEP » ou d’ailleurs, il peut en avoir marre de se heurter au mur de verre des habitus. Subir l'humiliation symbolique de ne pas être né du bon côté de la République. Le front usé contre un mur. Si une opportunité s’ouvre pour lui côté FN, il franchira alors peut-être le cap. Le principe de réalité souvent plus fort que les convictions. Surtout quand le frigo a du mal à se remplir. Sans oublier la facture d’électricité, le loyer…. Dommage tout de même de finir dans les bras d’une impasse bleue Marine. Se perdre pour gagner de pires humiliations.
Semblable ressentiment des parents sachant que leurs gosses, scolarisés dans les écoles publiques de leur quartier populaire, n’ont pas les mêmes chances que d’autres dans des établissements scolaire cotés en centre-ville ou dans le privé (pédagogie différente ou confessionnel).Conscient que l’ascenseur social monte bien dans les discours. Pas pour eux, ni pour leurs gosses. A part encore une fois, les exceptions. Au loto,très peu d’élus. L’éducation nationale n'est pas la Française des jeux.
On critique les têtes couronnées de « Points de vue, images du monde ». Vieillot et comme d’une autre époque. Pourtant, à la vue d’un ministre de l’Intérieur, se rendant sur le lieu du dramatique crash dans les Alpes, on peut se demander si nous ne vivons pas en Monarchie républicaine. Ce ministre ne pouvait pas tenir son parapluie ? Et l'homme mobilisé derrière lui pour l'abriter de la pluie se concentrer sur une autre tâche. Si le ministre lisait un discours ou téléphonait, tout à fait normal qu’un fonctionnaire lui tienne son parapluie. Winston Churchill disait ( citation attribuée aussi à d’autres) « On ne peut pas marcher et mâcher un chewing-gum en même temps ». D’autre visiblement incapable de marcher avec un parapluie.
Réfection d'un bureau à 100 000 euros, conférence d'un ancien président de la République pour des sommes colossales, la phobie administrative, les comptes dans des paradis fiscaux.... La liste est longue de toutes ces infos n’échappant pas aux électeurs et abstentionnistes de tous bords. Jour, après jour, ils constatent que leur quotidien ne se déroule pas sur le même plancher des vaches que les dirigeants et leur cour. Pas le même pâturage républicain. Et les « il faut se serrer la ceinture, c’est la crise… » les font doucement rigoler. Jusqu’au jour où, ne rigolant plus, ils décident de se venger. Le seul moyen pour eux étant une vengeance à l’abri de l’isoloir. Mettre un coup de pied au cul de la famille de l’entre soi. Coucou, on est là !
A propos d’économie, j’ai croisé un jour un prof d’éco en fac qui me disait que cette discipline était une foutaise. Une science molle comme la psychanalyse et d’autres. A part que la psychanalyse peut aider quelqu’un dans la détresse, précisa-t-il, jamais un taux ou un indice. Chaque courbe et calcul économique ne disant que ce que son maître veut lui faire dire. De l’enfumage pour continuer de boursicoter tranquille. La crise étant la meilleure des inventions pour mettre au pas le populo et gagner plus. Rarement vu quelqu'un démonter autant sa profession. A ma question de savoir pourquoi il continuait d’enseigner cette discipline. Faut bien vivre, sourit-il en recommandant un verre de vin. Totalement ignare dans ce domaine, je me suis contenté de l’écouter et boire avec lui. De plus en plus de citoyens pensent comme ce prof. L’économie plus fort que la religion pour diriger le monde ?
La passagère éphémère de 1 ère classe sait-elle que, pris longtemps à l’avance, un billet de seconde est parfois de quelques € de plus. Pas le même «quelques » selon les bourses. A-t-elle fait bon voyage ?
A-t-elle voté dimanche ? Pour qui ? Cela ne la concerne qu’elle et ceux avec qui elle a envie de le partager. Si elle a voté, elle l’a fait, sans doute comme la plupart des électeurs de ce pays, pour que le trio «Liberté, Egalite, Fraternité» ne soit pas uniquement momifié au fronton des édifices publics ni ressortis au gré des discours. Donner mandat à des - soi-disant - pros pour que ces trois mots se concrétisent au présent. Pas que pour les citoyens de l'«entre-soi ».
Au fond, les billets d’humeur passent et se ressemblent. Yaka et faukon aussi improductifs que tout le reste. Bon,tant qu'on y est,autant continuer. Proposer à nos dirigeants de cesser, après chaque claque électorale, d’entendre le message adressé par les électeurs. Mais plutôt de l'écouter.
Que veulent tous ces mécontents? La suppression de la seconde classe de ce pays. Vivre aussi en première classe républicaine.