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Billet de blog 31 août 2015

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Une vie sexuelle après la mort ?

« Je ne sais pas quelle est la question, mais je connais la réponse : le sexe » ! Woody  AllenLors d’une soirée bien arrosée, nous parlions des difficultés de la banlieue. Le sujet récurrent depuis des années. Chacun ce soir là y allait de son « yaka faukon ». Moi idem. Deux ou trois fois, le ton monta. Ce sujet, souvent jumelé avec celui de l’islam et de l’islamisme, génère de plus en plus de cristallisations ; même entre citoyens pourtant longtemps d’accord sur cette problématique. Les attentats de janvier ont relancé encore plus durement les débats sur la banlieue. Pour certaines conversations, il y a un avant et après JesuisCharlie. Une ligne de fracture. De nouvelles frontières entre amis ?

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« Je ne sais pas quelle est la question, mais je connais la réponse : le sexe » ! Woody  Allen

Lors d’une soirée bien arrosée, nous parlions des difficultés de la banlieue. Le sujet récurrent depuis des années. Chacun ce soir là y allait de son « yaka faukon ». Moi idem. Deux ou trois fois, le ton monta. Ce sujet, souvent jumelé avec celui de l’islam et de l’islamisme, génère de plus en plus de cristallisations ; même entre citoyens pourtant longtemps d’accord sur cette problématique. Les attentats de janvier ont relancé encore plus durement les débats sur la banlieue. Pour certaines conversations, il y a un avant et après JesuisCharlie. Une ligne de fracture. De nouvelles frontières entre amis ?

A un moment, quelqu’un a lancé un sujet très rarement abordé: sexe et banlieue. Souvent pas simple d’évoquer la sexualité, encore moins concernant ces fameux quartiers sensibles. Sensibles, pas sensuels ? Une nouvelle fois, mon idée - réchauffée-  de créer un personnage  BD de « sexologue  mobile» est remontée à la surface. Batman avait sa batmobile. Notre héros, diplômé de la fac de médecine, piloterait une sexomobile. Un minicar aménagé pour ses consultations.

De ville en village, ce ou cette thérapeute sillonnerait le pays pour consulter toutes celles et ceux - pas que les banlieusards- qui le souhaiteraient. Ali Bido, Elie Bido, Julie Bido…? Chaque convive déclina sa version de ce personnage de fiction. Un peu comme une séance d'un pool de scénaristes de télé. La soirée se termina fort tard.

Le lendemain de nos joutes verbales, avec ou sans doliprane, gueule de bois ou pas, chacun avait repris son petit bonhomme de chemin. Ses activités quotidiennes. Evidemment, le personnage d'Ali Bido ou de Julie Bido ne verra jamais le jour. Juste un projet ne tenant la route que le temps d’une soirée. Une excellente séance de rigolade entre copains et copines. Rire de tout, de soi et des autres, ne doit pas être obligatoire. Ni automatique comme les antibiotiques. Mais ça peut remplacer parfois les antidépresseurs.

Plaisanterie mise à part, ce problème me semble plus important qu’il n’en a l’air. Un éducateur, croisé lors d’un salon du livre, m’expliquait que de plus en plus de jeunes lui faisaient part - entre quatre zyeux-  de leurs difficultés à avoir des rapports sexuels. Interloqué, je voulus en savoir plus. Il m’expliqua que la plupart des jeunes dont il s’occupait était souvent condamnés à aller voir des prostitués ou s’auto-satisfaire devant des pornos. Au début, je trouvais qu’il en faisait un peu trop. Pas que les jeunes de banlieues qui ont des problèmes de cul. Un faux problème. Mais je me rendis compte que cela le préoccupait. Il ne cherchait pas à se rendre original. Réellement désemparé face à cette situation peut-être pas traitée dans ses manuels d’éducateur. Quelle réponse apporter ?

Certes, cette problématique ne date pas d’aujourd’hui. Ado dans les années 70, nous regrettions souvent  le peu de filles dans nos bandes. Ras le bol de toujours se retrouver entre mecs. Sans oublier que c’était moins compliqué de rentrer en boîte accompagnée d’une fille. Peut-être que, comme certains jeunes d'aujourd'hui, nous n'étions pas très subtils côté "drague". Pour ne pas dire lourds. Malgré tout, quelques-unes venaient nous rejoindre au pied de l’immeuble ou dans nos virées en bagnole à Paris.Souvent en cachette des parents qui, comme aujourd’hui, verrouillaient plus leurs filles que leurs garçons. Pourtant des « Portes du pénitencier » chanté par Johnny à NTM, ce sont plutôt les fils qui ont tendance à glisser. Pas la parité non plus à l’époque dans la rue et les cités populaires, surtout la nuit.  Les filles trainant dans les villes mal considérées. Mais rien à voir avec nos jours.

 Il suffit de traverser une cité pour se rendre compte que la mixité a du plomb dans l'aile. Parfois les deux sexes  se croisent en plein jour, sans s’éterniser. Les garçons d’un côté, les filles de l’autre. Quand elles ne sont pas confinées dans les appartements. D’aucuns diront que c’est un cliché ou un fantasme. Sûrement pas comme ça dans toutes les cités de France. Ne vivant plus en banlieue, je suis peut-être mal placé pour en en parler. En tout cas, quand je me retrouve dans une cité,  cette « non mixité » me saute aux yeux. Exagération de ma  part ? Si quelqu’un peut me prouver le contraire, je suis prêt à changer d’avis. Et reconnaître mon erreur.

Bien sûr, le retour du religieux n’est pas étranger à cet état de fait. Dieu n’a jamais facilité la sexualité. Depuis toujours, il cherche à se glisser sous les couettes. Décider de ce qui est bien et mauvais pour les corps et les âmes. Indéniable que les intégristes musulmans ont en ce moment plus le vent en poupe que ceux des autres religions. Jour et nuit, ils travaillent « au corps » les  quartiers populaires pour diviser les sexes. Créer des frontières visibles et invisibles entre les jeunes filles et les jeunes garçons. Diviser les deux sexes.

Mais avec les « Manif pour tous », on vit aussi réapparaître de nombreux intégristes des autres religions. Prêts à remettre en cause notamment le droit à l'avortement et les acquis des femmes. Souvent en guerre les uns contre les autres, un miracle s’est produit ; les fanatiques de toutes les religions unis pour asservir les femmes. Tous ensemble contre la liberté des femmes. Sans oublier leur haine maladive des homos. La recrudescence des violences homophobes est d'ailleurs en très forte hausse. Proportionnelle à la montée de la connerie.

Sans doute qu’il y a des urgences plus importantes à traiter en banlieue. L’habitat, l’emploi, la mixité sociale, des écoles déghettoïsées,les transports…Des choses évidemment trop sérieuses pour les confier à un billet d' humeur passagère. Quoique la misère sexuelle des grands ensembles ne me semble pas à prendre par dessus la jambe. Elle participent  aussi aux  tensions sociales. Pas un hasard si des jeunes confient leur frustration sexuelle à un éducateur. Des paroles à entendre et à écouter. Seuls les quartiers huppés auraient droit aux sexologues ? Les questions sur la sexualité seraient le monopole des draps des centre-villes? 

Cette frustration sexuelle pouvant aider à alimenter le commerce des pires bonimenteurs: les vendeurs de sexe dans l'au-delà.  Y a-t-il une vie sexuelle après la mort ? se demande le très bon auteur Vladan Radoman qui m'a inspiré le titre de ce billet. Certains y croyaient et sont même passés de vie à trépas pour le vérifier. Personne n’est revenu nous le raconter. Pas la moindre preuve de sexe posthume. Contrairement à la vie sexuelle avant la mort.

    L'illustration du billet provient de ce site.

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