C'est annoncé dans la Voix du Nord du 12 janvier 2014 : à Lens, en face du "Louvre", une rangée de maisons des mines. Comme elles faisaient tache (peut-être) dans le nouveau paysage urbain, on a commencé par en ravaler ... les façades. L'intérieur ne se voyant pas, il pouvait sans doute attendre.
Mais on a aussi "réfléchi aux retombées économiques possibles" du Louvre-Lens. Légitime dans cette région frappée par la désindustrialisation depuis des décennies. Et qu'a-t-on trouvé ? Un hôtel 4 étoiles à la place de cette rangée de maisonnettes. C'est le groupe Esprit de France, hôtels 3 et 4 étoiles à Aix-en-Provence et Paris, qui exploitera le futur hôtel. Aussi bien, nous explique le bailleur social Maisons et Cités, " Cela fait partie de notre mission que d’apporter de la vie, de l’activité économique, des services dans un quartier en même temps que de construire des logements. Les cités ne sont plus devenues (sic) mono-fonctionnelles, nous devons faire en sorte d’apporter un équilibre, par exemple en construisant des mètres carrés de bureaux ou comme ici un hôtel." Ben voyons.
Originalité du projet : il ne s'agit pas de raser les logements construits par les mines pour les remplacer par du neuf, mais de les transformer en chambres, une à chaque étage de chacune des petites maisons de brique. Le groupe Esprit de France, nous dit-on, "a été intéressé par l’idée de marier la culture minière avec celle du Louvre-Lens." Ainsi "l’idée est bien de garder l’esprit des maisons des mines". On croit rêver. Marier la culture minière avec de l'hôtellerie 4 étoiles? Il s'agit plutôt de siphonner ce qu'il en reste, de la culture minière, pour donner à une entreprise de luxe une plus-value sous forme de "cachet d'authenticité", et se donner bonne conscience en évoquant le passé ouvrier. Comme le revendique d'ailleurs le groupe lui-même sur son site :
"Esprit de France, depuis plus de 25 ans, met en œuvre une certaine philosophie dans ses 9 hôtels situés à Paris et Aix-en-Provence. Que les lieux remontent à plusieurs siècles ou soient contemporains, ils ont une histoire, ils reflètent une époque.
Tout en proposant les technologies qui satisfont les clients les plus exigeants, Esprit de France maintient, rénove ou crée un espace qui perpétue « l’esprit des lieux », une atmosphère qui le fait vivre."
Ah oui, et les habitants, au fait? Et bien ma foi ils devront partir, même s'ils vivent là depuis plus de 40 ans. Mais qu'on se rassure : le bailleur social leur a fourni son catalogue dans lequel ils pourront choisir les maisons qui les intéressent. Et ils seront même prioritaires... "si cela est compatible avec leurs revenus".
Esprit de France, où es-tu?
La Voix du Nord - http://www.lavoixdunord.fr/region/lens-face-au-louvre-des-maisons-des-mines-transformees-ia35b0n2595059
Modifié le 29 septembre 2016 :
On peut penser qu'il y a plus urgent à faire à Lens (surtout pour un "bailleur social") qu'un hôtel 4 étoiles pour touristes de passage, en cette période de pénurie de logements, de sans-abris croisés un peu partout, de réfugiés dont on ne sait pas quoi faire et de programmes de logements sociaux en baisse. Oui mais des réfugiés en face du Louvre-Lens, vous n'y pensez pas ?
On peut aussi penser que c'est bien de rappeler le passé minier de la région, d'évoquer feue la fosse n°9 et les corons, mais que convoquer les habitants pour justifier ce programme d'investissement dans le luxe c'est un peu passer les bornes de la décence.
Une visite au Louvre-Lens le 29 septermbre 2016 permet d'illustrer le billet : comme on le voit, les maisons du coron ont été ravalées ... et murées, en attendant leur transformation en 4 étoiles. Mais il faut quand même habiller tout ça de bons sentiments pour faire passer la pilule : un panneau d'information nous parle donc de "concertation", d'"éco-quartier", d'"aller à la rencontre des habitants du quartier", etc. Cela se termine par "les habitants vous accueillent" ; mais il n'y a plus personne. Sur les fenêtres murées on fait parler les "habitants" : par exemple cet homme originaire de Béthune, nouveau dans le quartier, qui se trouve bien dans cet univers libre de toute friction ("ici tout le monde s'entend bien"), et se sent "ici chez lui". Ici où plus personne n'habite.

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