Le blog Le café pédagogique (1) a renseigné de façon détaillée cette nouvelle campagne de dénigrement dont la profession est touchée tous les deux mois environs. Tout est parti d'une étude, une toute petite étude, parue dans le JT de France 2, dont l'objectivité n'est plus à prouver... Puis, relayée sur France Info, et rapidement à travers toute la nébuleuse médiatique. La pastille révèle alors un absentéisme voire un abandon des forces vives de l'Education Nationale (5% environ), lesquelles ont profité du confinement pour partir en vacances... Euh. Mais non. Il n'y a plus de vacances, les gens étaient assignés à résidence. Merde. Enfin, voilà, les profs, à défaut de partir se dorer la pilule en Méditerranée, sont restés se la couler douce... chez eux.
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C'est con! Moi qui croyais que les profs auraient un peu de dignité, au moins deux mois dans l'année... Bref, fidèles à eux-mêmes, ils n'en branlent pas une. Les gens ont raison, de quoi se plaignent-ils?. Blanquer a raison: à quoi bon augmenter leur salaires, à ces "décrocheurs"?. Ouais, c'est ainsi que sont affublés ces déserteurs. Et comme toute désertion mérite châtiment, Blanquer a su pleinement souffler sur les braises de ces annonces, évoquant des sanctions. Comment va-t-il vérifier qu'un prof était bien derrière son ordi et pas sous sa couette ? Le mystère reste entier.
Je dois dire que parmi les qualificatifs énoncés dans la presse, fort élogieux pour la plupart (on retiendra l'élégant "tire-au flancs" de l'Opinion), la brillante analyse de Dominique Seux, coutumier dans l'art de dénigrer la profession, a particulièrement retenu mon attention. Je partage avec vous son élégante comparaison: "si les salariés de la grande distribution avaient été aussi courageux que l'éducation nationale les français n'auraient rien eu à manger". À ce niveau de pertinence et de sens de la mesure, on ne trouvera pas mieux, dans toute la sphère médiatique. La comparaison n'a d'égale que la mauvaise foi de l'auteur, qui répond à un logiciel libéral assez basique, et donc ne voit pas d'intérêt à ce que la profession (tout comme le reste de la fonction publique) ait un quelconque droit à la dignité, ou à la reconnaissance. Le fonctionnaire est un vil exécutant, et qui plus est, coûte cher- il le dit suffisamment à longueur de chronique. L'enseignant, vaguement gauchiste (il a osé manifester contre les retraites, je le rappelle), n'a pas grand avantage de son côté. Mais, me direz-vous:
Quid des heures passées derrière l'écran, pour (si l'on retient les chiffres) 95% des enseignants?
Quid de la fracture numérique que nombre d'entre eux ont du braver pour accompagner les élèves, surmonter les difficultés de connexions pour accéder aux ENT (voire en créer comme ce fut mon cas), en dépit des "embouteillages" sur internet?
Quid des professeurs qui, parmi ces 5% de "feignasses", sont simplement inaptes physiquement, à reprendre le travail, déjà éreintés par des dégradations permanentes de leurs conditions de travail?
Quid de la baisse des rémunérations pour certains d'entre eux qui n'auront pas de primes de direction ou de déplacement jusqu'à septembre (cela représente dans mon cas 400e) ?
Quid des professeurs traumatisés par les conditions sanitaires oppressantes et déshumanisantes pour les enfants?
Eh bien, sachez-le, chers collègues: tout ce beau monde, pour Dominique Seux, ce sont des moins que rien. Des sous-merdes. Disparus du radar de la reconnaissance.
Ravalez votre fierté.
Repartez bosser.
Et remerciez Dominique Seux pour sa grande humanité, qui a peut-être pensé à vous applaudir durant le confinement.
JO
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1 - http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/06/11062020Article637274573903079309.aspx