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Nul n'aurait prédit que Joe Biden, un libéral un peu mou durant sa campagne présidentielle, aurait mené ces actions. Aujourd'hui, auprès du Congrès, il a égrené tout un tas de mesures interventionnistes et de lutte contre les inégalités rarement atteintes dans le pays du libéralisme. Dans son discours, il dit notamment "dans ce pays, les dirigeants d'entreprise gagnent 320 fois plus que la salarié moyen de leur société. Auparavant, cet écart était de 100". Partant du constat très clair des inégalités sociales qui ont explosé durant la crise, il montre qu'il est socialement et moralement inacceptable qu'un tel écart existe, à l'heure où des millions de citoyens sont tombés dans la précarité. Dans ce discours, ancré clairement à gauche, Joe Biden a surtout dénoncé le cynisme du libéralisme, une vérité qui a toujours été, mais qui s'est accrue en période de crise, au point d'apparaître comme "injuste" au yeux de citoyens qui jusqu'alors y voyaient un système acceptable. C'est donc un aveu réaliste et non du communisme acharné qu'il met en application. La fin du discours est d'ailleurs sans appel: "le ruissellement n'a jamais fonctionné". Une phrase qui résonne comme une sentence sans appel, impitoyable même, dans un pays "modèle" du capitalisme, et qui en a vu les limites, pour ne pas dire l'incurie, en temps de crise. Seuls quelques dirigeants aveuglés par l'idée d'un salut par la finance, tel Emmanuel Macron y croient encore. Dans les faits, des pays européens bien libéraux ont pris des décisions allant dans le même sens logique d'une justice fiscale: l'Angleterre a opté pour une taxation des plus riches pour financer la relance économique (1). Au Danemark, il en est de même, pour financer les retraites (2). Récemment, la Première ministre de Nouvelle-Zélande, que nos médias chérissent pour sa gestion exceptionnelle de la crise sanitaire, s'est fendue d'une augmentation historique des taxes à l'encontre des plus riches à hauteur de 39% (3); peu s'en sont félicité parmi nos médias. Un peu partout dans le monde, y compris au sein du FMI, qui préconise cette option de bon sens, l'idée, longtemps "taxée" de fantasme d'extrême gauche, fleurit. Mais en France, au fait?
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En France, on opte pour une autre stratégie économique: foncer dans le mur. Macron l'a dit, la seule doctrine qui guide ses pas, c'est celle du ruissellement. Une doctrine relayée par une presse qui lui est depuis longtemps favorable, et qui s'empresse de prôner la fin des services publics (4) et vanter la rigueur budgétaire. En France, notre rapport au libéralisme n'a guère changé depuis la crise sanitaire. Il s'est même radicalisé. Aujourd'hui, la rigueur budgétaire est perçue comme un mal nécessaire, et les services publics, un parasite. La crise aurait presque pu changer cette croyance, notamment à l'heure des applaudissements hypocrites des aide-soignants ou des enseignants. Mais la réalité est moins lyrique. Les croyances ont la vie dure.
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Cette semaine, Bruno Le Maire a annoncé un retour prochain de la réforme des retraites, lesquelles font tomber de nombreux épargnants dans une précarité sommaire; Elisabeth Borne, quant à elle, a mis en oeuvre une des réformes les plus scélérates de l'Assurance chômage, dont on sait qu'elles baisseront les allocations jusqu'à 20% (5), et qui de l'aveu même de la ministre, désavantageront fortement les femmes en congé maternité (6). En France, pays qui a vu, sous la crise, une augmentation historique du nombre d'ultra-riches, pays champion du monde des dividendes (7), on ne décide certainement pas de taxer le capital, non. Cela serait perçu comme une révolution bolchévique. Dans un pays où l'opinion publique est globalement acquise aux idées de droite et d'extrême droite, on préfère opter pour ce qu'on fait de mieux: s'attaquer aux pauvres, avec parfois le consentement de ces derniers, convaincus qu'il n'y ait aucune autre solution. Sans doute l'exception culturelle "à la française"...
Mais la décision de Biden est scrutée de toutes parts. En Europe, on pourrait timidement lui emboîter le pas, de peur d'un "déclassement" de l'UE du trio de tête, dont la Chine et les Etats-Unis comptent bien mener la course.
(1) https://www.lexpress.fr/actualite/monde/covid-19-la-taxation-des-plus-riches-gagne-du-terrain-dans-le-monde_2145575.html
(2) https://www.sudouest.fr/economie/finances/le-danemark-veut-taxer-les-banques-et-les-plus-riches-pour-financer-sa-reforme-des-retraites-1178462.php#:~:text=de%2DmarsanDax-,Le%20Danemark%20veut%20taxer%20les%20banques%20et%20les%20plus,financer%20sa%20r%C3%A9forme%20des%20retraites&text=Pour%20rassembler%20cette%20somme%2C%20la,l'agence%20de%20presse%20Bloomberg%20.
(3) https://www.20minutes.fr/monde/3011451-20210331-nouvelle-zelande-salaire-minimum-augmente-encore-taxe-plus-riches-aussi
(4) https://www.telerama.fr/ecrans/david-pujadas-et-lci-simpatientent-de-la-disparition-des-fonctionnaires-6861803.php?utm_medium=Social&utm_source=Facebook#Echobox=1618590174
(5) https://www.journaldunet.fr/management/guide-du-management/1197771-reforme-du-chomage-nouvelles-mesures-au-1er-juillet-2021/#:~:text=Cette%20mesure%20devrait%20entra%C3%AEner%20la,%25%20des%20demandeurs%20d'emploi.&text=Depuis%20le%201er%20novembre%202019%2C%20il%20lui%20faut%20au,six%20mois%20pour%20le%20faire.
(6) https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/chomage/assurance-chomage-elisabeth-borne-reconnait-un-probleme-dans-le-calcul-des-allocations_4373099.html
(7) https://www.franceinter.fr/emissions/histoires-economiques/histoires-economiques-18-fevrier-2020#:~:text=Selon%20une%20%C3%A9tude%20publi%C3%A9e%20hier,(64%20milliards%20de%20dollars).