Quand je serai grand, je serai gardien de souvenirs

Quand je serai grand, je serai gardien de souvenirs

Quand je serai grand, je serai gardien de souvenirs
Et ne va pas imaginer que c’est là un métier trop rude pour moi, sous prétexte que je n’ai jamais rien su faire de ma vie, à part fuir ma vie en la rêvant

Cela dit, c’est à peine aussi ardu que le métier de berger
Et mieux encore, dans mon troupeau des souvenirs, les bêtes pourront, si tel est leur désir, s’en aller arpenter toutes les prairies de la terre pour y brouter la bonne herbe à même les champs et autres prés fleuris
Et c’est d’elles-mêmes qu’elles rebrousseront chemin le soir, quand le soir leur fera signe de retrouver leur bergerie

Quand je serai grand, je serai gardien de souvenirs
Et ne va pas imaginer que c’est là un métier trop rude pour moi, sous prétexte que je n’ai jamais rien su faire de ma vie, à part fuir ma vie en la rêvant

Cela dit, c’est à peine aussi ardu que le métier de jardinier
Et mieux encore, dans mon verger des souvenirs, les plantes pourront, si tel est leur désir, s’en aller arpenter toutes les vallées de la terre pour y boire la bonne eau fraîche à même les sources et autres ruisseaux
Et c’est d’elles-mêmes qu’elles rebrousseront chemin le soir, quand le soir leur fera signe de retrouver leur verger

Quand je serai grand, je serai gardien de souvenirs
Et ne va pas imaginer que c’est là un métier trop rude pour moi, sous prétexte que je n’ai jamais rien su faire de ma vie, à part fuir ma vie en la rêvant

Cela dit, c’est à peine aussi ardu que le métier de maître d’école
Et encore mieux, dans mon école des souvenirs, les élèves pourront, si tel est leur désir, s’en aller arpenter toutes les écoles buissonnières du monde pour y glaner des comptines à même les troubadours et autres vagabonds
Et c’est d’eux-mêmes qu’ils rebrousseront chemin le soir, quand le soir leur fera signe de retrouver leur école

Quand je serai grand, je serai gardien de souvenirs
Et ne va pas imaginer que c’est là un métier trop rude pour moi, sous prétexte que je n’ai jamais rien su faire de ma vie, à part fuir ma vie en la rêvant

Par certains côtés, c’est même plus facile que le métier de berger
Il faut dire que dans mon cas, il n’y aura besoin ni de bergerie ni de clôture
Et alors les souvenirs de ma bergerie pourront, si tel est leur désir, s’en aller gambader librement partout dans l’univers
Et ils en profiteront pour faire la connaissance de nouveaux souvenirs, d’époques révolues que je n'avais jamais vécues, et de lieux lointains que je n’avais jamais foulés, fut-ce à l’autre bout de l’univers
Et à l’instant même de l’éternité qui passe et repasse sans jamais passer, tous les nouveaux souvenirs qui me plairont deviendront aussitôt miens, comme s’ils l’avaient déjà été depuis les temps les plus lointains

Quand je serai grand, je serai gardien de souvenirs
Et ne va pas imaginer que c’est là un métier trop rude pour moi, sous prétexte que je n’ai jamais rien su faire de ma vie, à part fuir ma vie en la rêvant

Par certains côtés, c’est même plus facile que le métier de jardinier
Il faut dire que dans mon cas, il n’y aura besoin ni de verger ni de clôture
Et alors les souvenirs de mon verger, si tel est leur désir, pourront s’en aller à la rencontre des mêmes souvenirs chez tous les gardiens et gardiennes de souvenirs avec lesquels j’avais eu à les vivre, fut-ce à l’autre bout de l’univers
Et alors chaque gardien et chaque gardienne aura une pensée pour moi, aussi vive que celle que j’aurai moi-même pour chacune et pour chacun, à chaque instant de l’éternité qui passe et repasse sans jamais passer

Quand je serai grand, je serai gardien de souvenirs
Et ne va pas imaginer que c’est là un métier trop rude pour moi, sous prétexte que je n’ai jamais rien su faire de ma vie, à part fuir ma vie en la rêvant

Par certains côtés, c’est même plus facile que le métier de maître d’école
Il faut dire que dans mon cas, il n’y aura besoin ni d’école ni de murs d’école
Et alors les souvenirs de mon école pourront, si tel est leur désir et ça sera toujours leur désir, s’en aller se raviver eux-mêmes en ravivant les mêmes souvenirs chez toi, fut-ce à l’autre bout de l’univers
Et alors à chaque instant de l’éternité qui passe et repasse sans jamais passer, tu ressentiras la même vive émotion que celle-la même que je ressentirai à tous les instants de toutes les éternités qui passent et repassent sans jamais passer

Quand je serai grand, je serai gardien de souvenirs

Mustapha Kharmoudi

Photo MK à la malate, Besançon, été 2022