L’inspiration, c’est comme ces petits êtres joyeux ou peureux qui vivent dans les clairières discrètes des bois environnants : à peine tu arrives qu’ils disparaissent, plus rien.
Il te faudra d’abord t’asseoir dans un coin discret, il te faudra rester immobile tel ce vieux tronc d’arbre contre lequel tu t’adosses, il te faudra ensuite rester silencieux, sans savoir combien de temps ça prendra.
Et c’est seulement ainsi que tu auras peut-être la chance que l’inspiration te vienne.
A la manière de cet oiseau qui vient se poser juste à côté de toi : sur la même branche qui te berce de son ombre.
Et aussitôt c’est la panique, et aussitôt ton émotion est à son summum : ton cœur s’emballe comme si toute ta vie se jouait en cet instant fugace.
Et alors il te faudra faire le mort : tu fermes les yeux et tu bloques ta respiration pour éviter qu’il ne s’effarouche.
Et tu devras rester là, tiraillé entre la peur panique qu’il ne s’envole, et le désir intense d’ouvrir les yeux pour le contempler.
L’inspiration, c’est comme ça : il te faut d’abord quitter ton train-train quotidien pour te rendre dans ta clairière mentale, loin du brouhaha de la vie.
Et là, il te faudra attendre, sans avoir la moindre idée de combien de temps ça prendra.
Et le plus souvent tu repartiras sans rien, avec le sentiment pâteux que c’est fini, que l’inspiration ne reviendra plus jamais.
Mais parfois, un halo apparaîtra comme ça, miraculeusement, sans que tu saches ni d’où il est venu, ni combien de temps il restera.
Et alors ça te mettra dans tous tes états, et tu resteras là, les yeux fermés, le cœur à l’arrêt, le corps immobile, sans savoir comment t’y prendre.
Souvent, à la moindre perturbation, l’inspiration s’évanouira aussi vite qu’elle est arrivée, tel un vague rêve qui s’efface de notre tête à peine on se réveille, et dont il ne nous reste qu’une vague sensation de regret.
Et tu resteras là, comme floué d’avoir soudain raté toute ta vie.
Mais parfois, l’inspiration se laisse apprivoiser, et alors tu éprouveras ce sentiment étrange d’être éternel.
Et rien que pour avoir goûté à ces frêles instants d’éternité, tu seras toujours prêt à sacrifier tout le reste de ta vie…
Pour un rien d’inspiration…
MK, Besançon le 6 juin 2024