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Billet de blog 10 novembre 2025

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Adieu camarade, adieu grand-frère

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Adieu camarade, adieu grand-frère

Tu le sais bien, j’ai toujours parlé de toi. Toujours. Et depuis les lointains temps de mes vingt ans. Je dis toujours de toi que tu étais une belle étoile pour ma jeunesse lointaine. Mes années lycée au Maroc. Que tu étais l’un des très rares révolutionnaires marocains qui allaient chambouler ma vie de fond en comble. 
En me redonnant la chose la plus importante de toute ma vie : ma dignité de fils de pauvre. 
Toi et quelques autres intellectuels et militants marocains m’indiquiez, à une époque de total obscurantisme, le bon chemin : celui de la liberté, celui de la solidarité avec les exploités, celui de la révolte contre un roi despote. Et au-delà, contre tout un système qui avait jeté les miens – et moi avec – dans la misère noire… juste pour que les riches soient plus riches...
Tu m’indiquais surtout le chemin vers l’espoir…
L’espoir d’une révolution à venir bientôt…
Et faute de révolution, l’obligation de rester solidaire avec les pauvres, en toutes circonstances et quel qu’en soit le prix, fut-il celui de la prison et du cachot, fut-il celui de l’exil loin des siens… fut-il celui de sa propre vie...

J’avais appris il y a quelques mois ce qui t’était arrivé : une probable agression dans ta maison. Nul ne semble exclure que c’était pour des raisons politiques : pour faire taire une voix contre la collusion de l’État marocain avec Israël entre autres… 
On t’avait laissé pour mort. Mais tu avais survécu, bien que dans un coma profond…
Et plus le temps passait, plus tu semblais ne plus pouvoir en ressortir. 
Et c’est donc dans le désespoir que je prenais régulièrement de tes nouvelles. Et la réponse était toujours la même : état stationnaire. 
Mais voilà : il y a une semaine, j’ai encore écrit à quelques uns de nos vieux camarades du Maroc : « Comment va le camarade Sion ? ». 
Et sais-tu quoi ? On m’a vite répondu que tu allais mieux... 
Mieux. 
Un petit mieux certes. On m’a dit donc que tu étais sur le retour… du moins que tu allais t’en sortir, que tu étais sur la bonne voie…
Et puis quelques jours après on m’annonce la triste nouvelle : tu t’es envolé définitivement…

Alors va donc là-haut, et quand viendra le temps, je te rejoindrai et là-haut aussi tu seras certainement une des plus belles étoiles pour me guider vers les meilleurs de nos souvenirs. Nos souvenirs d’une jeunesse rebelle. De ces années dont on reste à jamais fier… et reconnaissants à ce que nous avons osé nous-mêmes, au plus fragile de nos âges…
Nous avions osé. Et nous avions tenu. 
Grâce à des étoiles comme la tienne…
Merci encore
Mustapha Kharmoudi

Illustration 1
Sion Assidon

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