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Billet de blog 13 janvier 2025

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Ceci n'est pas une pub pour Muriel ma coiffeuse

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Que ce soit dit et entendu : ceci n’est pas une pub pour ma coiffeuse Muriel qui a son salon en bas de la rue Bersot, juste en face de l’imprimeur, près de la caserne de l’armée de terre.
Je te raconte :
Ma coiffeuse Muriel m’a coupé les cheveux avec une infinie délicatesse, au plus fin de chaque cheveu récalcitrant, et il en est sur ma tête des récalcitrants, je veux dire des cheveux, mais bon le reste aussi mais ce n’est pas à l’ordre du jour sinon je risque de transgresser les consignes, et crois-moi Muriel ne serait pas contente du tout du tout.
Elle me connaît, et elle me prévient en conséquence : – Tu mets une jolie photo sur ta page, tu dis que c’est moi qui t’ai coupé les cheveux, mais faut pas que ça aie l’air d’une pub, de toute façon j’ai assez de clients comme ça, c’est juste pour le fun, tu vois ce que je veux dire.
Et comme je ne vois pas ce qu’elle veut dire, elle précise : – C’est simple : tu mets la photo, une petite phrase et c’est tout. Tu évites de faire long comme tu fais actuellement, je me demande d’ailleurs qui te lit jusqu’au bout, comme par exemple ton post sur la fille qui voulait t’emmener en Italie, moi j’ai pas pu aller jusqu’au bout pour savoir si finalement tu es allé ou pas avec elle en Italie. Et d’abord c’est laquelle déjà, cette fille, est-ce que c’est ta fameuse copine qui vient te rendre visite de temps en temps depuis le nord de la France ? Et l’autre dont elle parle avec jalousie, celle avec qui tu étais allé en Italie, ce serait pas la bourgeoise qui a un château là-bas en Normandie où en Auvergne, celle avec qui tu t’étais séparé à peine tu l’avais rencontrée, hein ?
Et comme je tire une mine étonnée, elle précise : – Tu sais celle dont tu m’avais parlé le jour où tu avais les cheveux trop longs et trop abîmés, tu te souviens ?
Et comme je ne me souviens pas, elle lâche : Enfin bref moi je m’en fiche de ta vie, l’essentiel c’est que tu parles de moi sans déraper comme l’autre fois où ça m’avait vraiment gêné quoi…
Je dis : – Ok je vais voir comment je vais m’en sortir avec toutes ces consignes…
Elle me coupe : – Y a pas de consignes, juste tu fais court et propre, pas des trucs tordus comme tu fais souvent, du genre à faire croire que je chercherais à coiffer toutes ces nénettes qui tout le temps vont et viennent chez toi, qu’on dirait que tu n’habites pas seul, enfin chacun fait sa vie comme il veut, tu reçois qui tu veux quand tu veux et aussi nombreuses que tu veux, mais bon franchement toutes ces filles qui défilent chez toi… euh… j’en pense ce que j’en pense mais de toute façon c’est pas mes oignons…
Elle finit de me couper les cheveux, elle vérifie tout de même, elle vérifie encore, elle vérifie à nouveau, elle fait une moue de satisfaction, et elle dit : – Bon, là c’est bon.
Je me lève, je paie, et au moment de sortir je me gratte instinctivement les cheveux avec mes dix doigts, comme j’en ai l’habitude. Et alors Muriel se crispe et émet un gémissement bref et aigu, comme si je l’avais griffée.
Je lâche un honteux : – Oh pardon ! Et je remets mes cheveux en place, et apparemment c’est encore pire au vu de son visage défait.
Je sors et aussitôt je suis accueilli par un sourire qui est à lui seul toute la joie de vivre. C’est la petite demoiselle qui est venue me chercher, comme convenu et comme j’ai oublié, pour aller manger dans un petit restaurant sympa, où elle pourra me lire les textes et poèmes qu’elle n’a pas eu le temps de me les envoyer, vu qu’elle les a écrit seulement tout à l’heure, pendant que je marchais et que je rejoignais le salon de coiffure de Muriel qui est donc en bas de la rue Bersot, juste en face de l’imprimeur près de la caserne de l’armée de terre. Elle me dira aussi combien elle va bien, combien elle écrit bien, combien elle randonne bien, combien elle est bien dans sa belle solitude chez elle, t’as pas idée que je n’abandonnerai ça pour rien au monde. Bref combien sa vie lui va bien, elle à qui la vie allait si mal si mal il y encore peu…
Pour l’heure, elle me fait une bise très joyeuse, et en voyant que je suis bien coiffé elle passe sa main en aller-retour sur mes cheveux, tout en disant : – Oh comme c’est doux. Je n’ai pas osé me retourner pour voir la tête de Muriel, je l’imagine qui enrage de voir que tout ce temps qu’elle a passé à prendre soin de me coiffer au poil, tout cela n’aura duré que le temps d’à peine son pas-de-porte franchi…

MK, Besançon salon de Muriel rue Bersot… euh… chez moi, grande rue, le 12 janvier 2025

Illustration 1
© MK

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