L'adieu : premier anniversaire
Je suis un homme qui n'a jamais peur de perdre. C'est une condition nécessaire pour savoir gagner. Cette disposition d'esprit m'oblige à être constamment dans le défi. Et à être constamment en marche pour le relever.
Et comme c'est toujours long et ardu, il me faut des délais pour me contraindre et m'aider à avancer. Et je ne sais marcher, jour après jour, qu'avec l'obsession de l'endroit où je vais. En trébuchant, en tombant, en m'éreintant, mais j'avance, et j'avance avec la certitude d'y arriver.
Souvent en chemin je me décourage, je me sens sur le point d'abandonner. Et pour tenir bon, je m'aide avec tout un tas de rituels que je m'impose, et que je respecte de manière quasi-religieuse. A l'instar de ces marches harassantes, avec dans la tête une seule et unique idée. Ou encore cette manie des J-10, J-9, etc. afin de rester totalement concentré sur le jour J.
Tout cela pour dire qu'il y a un an, je m'étais retrouvé dans un trou sans fond. J'avais le sentiment de ne plus pouvoir m'en sortir. Plus jamais.
Et encore une fois je m'en suis sorti grâce à une ritualisation obstinée de ma vie quotidienne, jusqu'au détail le plus infime. Tout en sachant que le rituel lui-même peut rendre ma vie plus triste encore.
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Je m'étais donné un an, jour pour jour, pour définitivement tourner cette page. Mais la tourner sans être dans la rancune ou la haine.
Et aussi interminable qu'elle fut, l'année n'a pas été de trop pour reconstruire mes souvenirs avec bienveillance. Avec bienveillance pour autrui, et pour moi-même.
Il fallait que le délai restât constamment en vue. Telle une étoile qui guidait mes pas, pas à pas, dans cette nuit que fut toute mon année.
Une année pour souffrir
Une année pour désespérer
Une année pour avancer
Une année pour me souvenir
Une année pour me retrouver
Et voilà : j'arrive à la sortie du tunnel, après m'être esquinté, amoché, blessé au plus profond de mon âme. J'en reviens tout reconstruit. De fond en comble.
Sans regrets
Mais avec nostalgie
Sans amertume
Mais avec mélancolie
"Il faut avoir porté du chaos en soi pour accoucher d'une étoile qui danse", disait Nietzsche.
Maintenant que la lumière est revenue, je peux dire que j'ai eu "l'immense chance" d'avoir vécu tout ça. Ce fut une année riche et pleine. L'une des des plus importantes de ma vie.
De toute ma vie.
J'en reviens avec un roman tourmenté : "J'attendais Anna" (que je n'attends plus, puisque ça sera à vous de l'attendre maintenant). Ce n'est pas un récit autobiographique, je n'aurais pas su le faire, et tant mieux parce que je n'aime pas ce procédé. Par contre, question émotion, je me suis pillé à mort. On y retrouvera, non pas ce qui m'était arrivé, avant ou pendant cette terrible année, mais toutes les émotions qui m'avaient accompagné durant ce - trop long - chemin de croix. Et quel chemin. Certaines de ces émotions m'étaient jusqu'alors inconnues. A mon âge, c'est dire.
L'amoureux d'Anna dirait ceci : quand l'amour n'est plus là, il faut savoir garder en soi tout l'amour qui fut. Pour que toujours il soit dans notre mémoire comme s'il ne s'était jamais arrêté...
Apollinaire le dit mieux que quiconque :
Nous ne nous verrons plus sur terre
[Mais] souviens-toi que je t'attends
Mustapha Kharmoudi
le 15 septembre 2017