J’ai tout perdu de l’Arabe en moi
J’ai tout perdu
de l’Arabe en moi
Ça s’est fait
de rage en rage
Ça s’est fait
de honte en honte
Et au final
c’est sans regret
J’en avais déjà
perdu un bout
C’était un juin
de soixante-sept
En ce temps-là
j’avais seize ans
Et des révoltes
plein la tête
Et puis la radio
a dit un soir
Que les Arabes
ça ne valait rien
Et je me suis mis
à m’en défaire
Plutôt n’être plus
qu’un chien
Et les Arabes
à mes vingt ans
Ça tyrannisait
tout à la pelle
Ou bien ta gueule
ou bien tu meurs
Entre Arabes
on n'peut plus cruel
Et comme je rêvais
d’un bel idéal
Et d’une vie d'amour
et de liberté
J’ai bazardé
encore un bout
De ce vile Arabe
qui m'empestait
Entre Arabes
c’est sans pitié
Et un roi arabe
c’est juste l’enfer
Ça martyrisait
mes camarades
Dans des mouroirs
sans lumière
Entre Arabes
ça se méfie toujours
A cause de leur dieu
tout en soupçon
Moi aussitôt
ils m’abjuraient
Dès que je doutais
de leur religion
Et de l’Arabe
qui me collait encor
Dans ma tête
ça sonnait tout faux
Je l’éradiquais
avec du Marx
Avec du Proudhon
et du Hugo
Et ça allait s’gommer
de plus bel
Sur le pavé
du beau Paris
Comme ça criait
ni dieu ni maître
Mon reste d’Arabe
a déguerpi
Surtout qu’après
c’était Brigitte
Pour qui l’amour
c’est sans frontière
Comme qui dirait
mon Eve d’Adam
Et des jambes en l’air
pour toute prière
Elle me disait
vive l’amour libre
Dieu c’est rien
qu’un vieux salaud
Et la religion
c’est de l’opium
Et elle concluait
embrasse-moi idiot
Et quand des fois
ça me titille
Comme qui dirait
d'un mal ancien
Je fais un saut
au douzième siècle
Et diable ce que
ça me fait du bien
Et quand là-bas
on souhaite entendre
Si l’Arabe est
encore un phare
Je leur montre
un feu ardent
Et je leur dis
c'est plus que des cendres
Et quand on m’demande
si leur courage
Est toujours dressé
en étendard
Oui oui si c’est
pour tuer de l’Arabe
Sinon ça s'cache
comme des cafards
Toutes les nations
de toute la terre
Comme disait
le poète d’antan
Se gaussent encore
des Arabes
Car qui dit Arabe
dit ignorant
Et je cite aussi
le sage arabe
Comme on cite
une sentence divine
Partout sur terre
où ça s’arabise
Partout sur terre
c’est la ruine
Mustapha Kharmoudi
"Eloge de l'exil", aux Editions Les Impliqués

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