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Billet de blog 16 janvier 2025

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J’ai tout perdu de l’Arabe en moi

NB : Ce poème est une réponse publique à cette vieille camarade du temps de nos engagements de gauche, et qui s'est reconvertie dans l'islamisme, et qui me reproche de ne pas faire pareil. Que sont mes camarades devenus ?

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J’ai tout perdu de l’Arabe en moi


J’ai tout perdu 
de l’Arabe en moi
Ça s’est fait 
de rage en rage
Ça s’est fait 
de honte en honte
Et au final 
c’est sans regret

J’en avais déjà 
perdu un bout
C’était un juin 
de soixante-sept
En ce temps-là 
j’avais seize ans
Et des révoltes 
plein la tête

Et puis la radio 
a dit un soir
Que les Arabes 
ça ne valait rien
Et je me suis mis 
à m’en défaire
Plutôt n’être plus 
qu’un chien

Et les Arabes 
à mes vingt ans
Ça tyrannisait 
tout à la pelle 
Ou bien ta gueule 
ou bien tu meurs
Entre Arabes 
on n'peut plus cruel

Et comme je rêvais 
d’un bel idéal
Et d’une vie d'amour 
et de liberté
J’ai bazardé 
encore un bout
De ce vile Arabe 
qui m'empestait

Entre Arabes 
c’est sans pitié 
Et un roi arabe 
c’est juste l’enfer 
Ça martyrisait 
mes camarades
Dans des mouroirs 
sans lumière 

Entre Arabes 
ça se méfie toujours
A cause de leur dieu 
tout en soupçon
Moi aussitôt 
ils m’abjuraient
Dès que je doutais 
de leur religion

Et de l’Arabe 
qui me collait encor
Dans ma tête 
ça sonnait tout faux
Je l’éradiquais 
avec du Marx 
Avec du Proudhon 
et du Hugo  

Et ça allait s’gommer 
de plus bel
Sur le pavé 
du beau Paris
Comme ça criait 
ni dieu ni maître
Mon reste d’Arabe 
a déguerpi

Surtout qu’après 
c’était Brigitte
Pour qui l’amour 
c’est sans frontière
Comme qui dirait 
mon Eve d’Adam
Et des jambes en l’air 
pour toute prière

Elle me disait 
vive l’amour libre
Dieu c’est rien 
qu’un vieux salaud
Et la religion 
c’est de l’opium 
Et elle concluait 
embrasse-moi idiot 

Et quand des fois 
ça me titille
Comme qui dirait 
d'un mal ancien
Je fais un saut 
au douzième siècle
Et diable ce que 
ça me fait du bien

Et quand là-bas 
on souhaite entendre
Si l’Arabe est 
encore un phare
Je leur montre 
un feu ardent
Et je leur dis 
c'est plus que des cendres

Et quand on m’demande 
si leur courage
Est toujours dressé 
en étendard
Oui oui si c’est 
pour tuer de l’Arabe
Sinon ça s'cache 
comme des cafards

Toutes les nations 
de toute la terre
Comme disait 
le poète d’antan
Se gaussent encore 
des Arabes
Car qui dit Arabe 
dit ignorant

Et je cite aussi 
le sage arabe
Comme on cite 
une sentence divine
Partout sur terre 
où ça s’arabise
Partout sur terre 
c’est la ruine 

Mustapha Kharmoudi
 

"Eloge de l'exil", aux Editions Les Impliqués

Illustration 1
MK, Eloge de l'exil © MK

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