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Billet de blog 24 mars 2025

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Il est 5h Besançon - les souvenirs

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Il est 5h et Besançon dort encore
Il est 5h et Besançon s’inquiète de me voir errer, à l’heure où tout le monde est censé dormir, dans la plus noire des mélancolies, à travers d’interminables va-et-vient le long de ses ruelles et de ses quais peu éclairés
Il est 5h et Besançon devine que c’est parce que tu me manques trop, à ne plus savoir que faire de ma vie
Il est 5h et aussitôt Besançon me prend par la main, et m’emmène lentement dans les endroits où nous allions toi et moi en ce temps-là
Et ce matin c’était au tour de la rue Battant, la rue de notre belle et lointaine jeunesse. 
Et je m’avance lourdement dans la rue, pas à pas, comme si j'étais en train de tirer deux lourds troncs d’arbre. C’est que le désir et le besoin de t’avoir, là, à mes côtés, sont si intenses que je m’en sens terrassé
Et alors Besançon me stimule, en me rappelant le moindre indice de notre amour de ce temps-là
Souvent moi j’oublie, mais Besançon qui veille au grain sait se souvenir de tout. Comme si chaque souvenir était le sien propre, un souvenir de son amour pour toi et moi. Et le plus étrange, c’est que Besançon se transforme pour que je ne voie rien de ce qui fait la rue Battant d’aujourd’hui
Et alors je n’ai aucun mal à reconnaître le vieux bistrot de notre jeunesse, là où il était en ce temps-là et où il n’est plus aujourd’hui
Et comme avant, quand c’était dimanche, là aussi la terrasse est pleine, et un orchestre fait danser les badauds au beau milieu de la rue 
Et Besançon me montre discrètement un couple de jeunes amoureux au plus haut de leur bonheur
Tous deux dansent comme s’il n’y avait que eux deux, et comme si tout ce qui était là n’était là que pour eux deux, et rien que pour eux deux
Ce couple-là, c’était toi et moi
Puis Besançon me fait arrêter devant le vieux ciné de la rue Battant, qui n'existe plus depuis longtemps déjà
En haut du portail, il y a toujours cette affiche d’un vieux film, et il m’est revenu sans peine qu’on l’avait vu ici-même, toi et moi,  en ce temps-là
Et Besançon me fait entrer dans la grande salle, et me montre dans la lumière tamisée un jeune couple collé l’un à l’autre à cause de l’émotion intense due à la célèbre romance que raconte le film
Ce couple-là, c’était toi et moi
Et plus haut dans la rue, Besançon me fait entrer dans la fameuse salle Battant, le lieu par excellence de toutes les luttes de notre belle et lointaine jeunesse
Il y a, là, de grands orateurs qui promettent avec la plus ferme des certitudes, à une salle pleine à craquer, que bientôt, tout bientôt, la joie et le bonheur régneront partout et pour toujours sur la surface de la terre
Et Besançon me montre un jeune couple que cette si belle promesse excite au plus fort de l’enthousiasme  
Tous deux scandent, poings levés « Peace and Love » et « C’est la lutte finale»
Ce couple-là, c’était toi et moi
Puis Besançon se rend compte que mon émotion est si intense que je suis sur le point de m’effondrer sur place, et alors Besançon me ramène lentement jusque devant chez moi, pour ne pas trop me fatiguer, chaque soir sa part d’épreuve, comme on dit
Et avant de me quitter, Besançon me rappelle qu’il me faudra toujours remplir ma part de dette, en consolant de mes mots la peine des ses tendres habitants, surtout celles et ceux, nombreuses et nombreux, qui toujours prennent soin de moi
Et une fois dans mon salon, je m’écroule sur le canapé, et longtemps je pleure, je pleure de joie et de tristesse mêlées
Puis mon salon me prend par la main, m’aide à me relever, et m’emmène jusqu’à la petite table qui fait office de bureau
Et aussitôt la petite table se hâte de me présenter ce qu’on peut me présenter de mieux en de telles circonstances : un crayon et un petit cahier ouvert sur une petite page blanche
Je note d’une main pleureuse : Ô Besançon ! Ô Besançon !
MK

Illustration 1
Le pont Battant, Besançon © MK

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