La création d’Eve
Comme là, sur le cas de Eve.
C’était à force de voir Adam dans cet état si piteux que j’avais fini par avoir pitié de lui. Et après mûre réflexion, je lui avais suggéré de demander à Dieu qu’Il lui fabrique un autre être de terre pour lui tenir compagnie. Et que certainement cela pourrait le stimuler. Ce qu’il s’était empressé de faire.
Mais Gabriel avait vivement déconseillé à Dieu de prendre le risque de détourner le regard d’Adam de devant Sa face. Et dans un premier temps, Dieu allait donner raison à Gabriel, avant de se raviser. Et cela crevait les yeux que Dieu tenait à bien ménager cette nouvelle image de lui.
Le seul problème, c’était qu’il ne restait plus rien de la mixture d’argile avec laquelle on avait confectionné Adam. Heureusement que par la suite, Dieu allait trouver une solution : extraire un bout d’Adam pour que la nouvelle réplique soit compatible avec lui.
Et tu vois, au-delà de toute morale, qui n’est au fond rien d’autre qu’un vulgaire préjugé, tu sauras que dans cette affaire, c’est moi qui avais eu la plus belle des intuitions.
Et je passe sur le reste, qui est largement connu des humains. Non sans toutefois rappeler que comme Gabriel avait passablement rechigné à éclairer Eve de toute la lumière de Dieu, il en était résulté que la pauvre Eve allait s’en trouver plus sensible à ce qui relevait de la terre que de la lumière, de l’âme. D’où d’un côté son grand sens de la réalité, celle des humains, mais de l’autre, elle ne pouvait percevoir certaines nuances de lumière.
Et on ne saura que plus tard, bien plus tard, que c’est là un immense avantage sur l’homme. Car lui, l’homme, il aura toujours tendance à s’aveugler pour un oui ou pour un non. Et à prendre le moindre fantasme pour une lumière de Dieu. Des fantasmes le plus souvent nés uniquement de ses instincts bestiaux. Mais qu’importe, cela lui suffisait pour s’en aller aussitôt guerroyer à tout va. Et au nom de Dieu. Et alors rien ni personne ne trouvera pitié à ses yeux. Ni hommes, ni femmes, ni enfants... ni bêtes...
Mais pour l’heure, Eve allait plutôt causer un grand incident diplomatique, entre Dieu et son image, Adam. Car contrairement à ce qui nous sautait aux yeux à nous autres, à ses yeux à elle les pommes de ce fameux pommier spécial n’avaient rien de différent des pommes des autres pommiers du paradis de Dieu.
D’où le pitoyable remue-ménage, qui allait s’en suivre. Juste parce que Gabriel avait alerté Dieu sur je ne sais quelle transgression, qui n’avait, à mon sens, aucune raison d’être. En tout cas, une pitoyable pomme ne devait pas causer une si grande catastrophe. Ni pour les hommes, ni encore moins pour Dieu qui ne s’en remettra jamais.
Si Dieu avait suivi mon avis à moi, Adam et Eve seraient encore aujourd’hui au paradis de Dieu. Et Dieu n’aurait eu nul besoin de sans cesse pester contre leur innombrable descendance.
Par ailleurs, à propos de ce détail de l’histoire, disons que cela ne s’était pas passé exactement tel que les hommes aiment à la rapporter. Mais bon, pour l’instant il est inutile de chipoter sur qui avait fait quoi, ni sur qui était en dernière analyse, le vrai responsable de ce qui s’était passé.
Laissons cela pour une autre fois…
(A suivre )
Mustapha Kharmoudi
Besançoàn le 31 décembre 2023
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