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Billet de blog 29 mars 2018

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Les harédims et moi (lectrice d'Isaac Bashevis Singer)

Quelquefois, la vie et la fiction se rejoignent. Adolescente, j'aimais beaucoup lire les livres d'Isaac Bashevis Singer. Ceux pour adultes, ainsi que ceux pour enfants. Il y a quelques années, j'ai déménagé, et je me suis retrouvée dans un des livre de Singer.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce que j'aime dans les livres d'Isaac Bashevis Singer, 

c'est cet autre monde qu'il nous présente, le sien.

Il était resté le petit garçon qui écoutait, à moitié

caché (sa mère ne voulait pas qu'il l'écoute), les histoires

hautes en couleurs de sa mère.

Vivant en France, je ne savais pas que ces personnages,

décrits dans ces livres, avaient leurs doubles, dans le 

quartier, où maintenant j'habite.

C'est comme être dans un film, je détonne un peu.

La plupart des gens sont habillés, pour les hommes,

en costumes noirs avec chemise blanches, et

comme je l'ai remarqué, soit des chaussettes noires,

soit des chaussettes blanches. 

Les femmes, c'est simple on ne voit que leurs 

visages, mais elles ont droit à plus de couleurs,

Beaucoup ont une perruque.

Il y a quelques temps, ces femmes se sont transformées

en Amishs, en ajoutant des sortes de mouchoirs brodés

sur leurs cheveux.

Lorsque je marche dans la rue, c'est un peu

comme être dans une bulle, où il n'y a pas grand monde.

La bulle des harédims  est pleine à craquer, mais il y a

aussi celle les russophones, qui sont un peu moins nombreux

et celle des arabophones, qui sont minoritaires.

J'ai un voisin harédim  qui ne me parle, que lorsqu'il

y a un problème. Par exemple, comme son air conditionné

avait fui, je suis monté le voir, et j'ai pu constater

qu'il n'était pas muet.

Mes voisins harédims ne me disent pas bonjour,

ni quoi que ce soit, pour eux, je suis impure,

donc infréquentable.

Heureusement j'ai d'autres voisins qui

ne m'ignorent pas et qui , surtout, sont plus

propres.

J'ai des voisins harédims qui jettent leurs poubelles 

par la fenêtre ou les mettent à côté de la poubelle.

Ce que j'aime, c'est parler aux enfants harédims.

Tout d'abord il faut que vous sachiez, que j'ai

un chien.

Pour ces enfants il est impensable que ce dernier

dorme à l'intérieur de l'appartement.

Mais ils ont toutes sortes de questions à poser.

Celle, classique: "C'est un garçon ou une fille?"

A laquelle je réponds invariablement:

"Avec tous les frères et soeurs, que vous

avez, vous savez forcément...".

Ou d'autres comme "Mange-t-il comme nous?;

"Pourquoi est-ce qu'il remue la queue?".

Ces enfants ne sont pas habitués à être en

contact avec des animaux.

Une fois un enfant a prétendu que c'était une vache,

mon chien étant noir et blanc. Il n'était pas

au courant que les vaches peuvent être aussi marron.

Mais la question que j'ai préférée est celle d'un petit

garçon, religieux, mais qui avait le droit de

caresser mon chien. Il m'a demandé: "Est-ce qu'il est

papa?"

Les enfants harédims n'ont pas le droit de caresser

les chiens. Mais quelques uns le font quand même.

Au début, quand mon chien était encore petit,

je ne m'éloignais pas trop de chez moi.

Cependant, lorsqu'il est devenu grand, j'ai 

élargi nos promenades. Je le promène

le matin, 45 minutes, le midi 10-20 minutes

et le soir 45 minutes.

A partir du moment où j'ai été dans des endroits 

à majorité écrasante de harédims, je me suis

vue traitée de dégoûtante, mon chien aussi, a

eu droit au même adjectif.

Je ne me suis pas laissée décourager.

Ces enfants là, ont besoin de voir autre

chose, et surtout je désire qu'ils s'habituent

à la présence de chiens.

Lentement, la plupart des gens se sont habitués

à notre présence.

Même s'il arrive que certains gamins

fabriquent des barrages sur le trottoir,

avec des briques recouvertes de cartons!

Je parle à ces enfants, qui ne sont pas encore 

formatés.

Mon but, c'est de les éduquer un peu, car

leurs parents les laissent dans la rue, dès leurs

plus jeunes âges.

Je n'ai jamais vu des rues aussi sales,

un des jeux favoris de ces enfants

est de chasser les chats ou de réduire

en poussière des pierres.

Quand les garçons grandissent, on les

voit moins, car ils vont étudier en Yéshiva.

Ces derniers n'étudient ni les maths, ni

l'anglais.

Les filles étudient plus, car ce sont

elles qui vont faire bouillir la marmite.

La plupart des hommes ne travaillant pas.

Généralement, dans ce genre de société, les

femmes restent à la maison et les hommes

vont travailler. Ici, non, et donc je vois

de plus en plus des harédims commander

des pizzas, car leurs femmes doivent

non seulement faire une dizaine d'enfants, le

ménage, travailler et en plus cuisiner.

Donc, il y a des jours où elles n'y arrivent pas.

J'aime mon quartier.

J'ai les commerces à proximité, les autobus,

mais aussi des médecins.

Il m'arrive d'avoir envie de demander aux

harédims: "Avez-vous lu 'Isaac Bashevis Singer?"

"Vous êtes-vous reconnu dans le livre de

Yehoshua Bar-Yosef "Ville Magique"?

Dans "Ville Magique", l'écrivain parle

de  Safed. Cette ville où habitaient et

habitent encore des harédims.

Comment des gens habitués à recevoir de

l'argent de l'étranger, pour prier, ont

dû faire face à la Première Guerre

Mondiale, qui a interrompu les versements,

ainsi qu'à un tremblement de terre.

Comment réagit-on à cela quand on

voit que les premières victimes,

sont les enfants?

Un très bon roman, qui à ma

connaissance, n'a pas été traduit en français.

On peut le trouver en hébreu (Magic City).

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