Après avoir vécus quelques temps en appartement, mes parents
qui ne souhaitaient pas acheter un bien, y ont été contraints.
L'appartement qu'ils occupaient à Lille était un logement social,
et donc ils devaient payer le maximum, car leurs revenus étaient
plus élevés que ceux de leurs voisins.
Ils ont donc acheté une maison avec jardin, où tout était à
refaire. Nous sommes passés d'une grand ville à une commune.
J'avais déjà 7 ans et étais très observatrice.
Il était clair que mon père était différent des autres paternels.
Son chapeau, son teint, mais aussi son envie d'être le
Père Noël de sa banque, au sens propre.
Chaque année, sa banque organisait une fête de Noël,
et il avait obtenu le droit de revêtir la tenue rouge
et blanche.
Quand j'ai entendu dire que Mazarine, enfant, avait dit
que son père était le Président de la France, à ses
camarades d'école, en montrant sa photo,
je me suis souvenue, qu'enfant je racontais que
mon père était le Père Noël.
Et c'était tout aussi vrai!
Qu'elle était loin l'enfance de mon père!
Je viens de lire "Les trois exils: juifs
d'Algérie" de Benjamin Stora.
Toute cette violence, tout ce déracinement,
mais aussi la sidération et la fuite en avant.
Mon père a choisi de vivre à fond, faisant
fi de son coeur défaillant.
Il s'est donc investi dans la vie sociale
de sa petite commune et de son travail.
Je ne pouvais pas m'imaginer la vie
antérieure de mon père. C'était comme un
rideau, un voile.
Un jour avant de mourir, il l'a déchiré
devant la fille de ses amis.
C'était le Jour de l'An, et il devait avoir
un peu trop bu.
A cette jeune femme de vingt ans,
il a dit: "Tu sais, j'ai une fille de ton âge".
Elle a éclaté de rire.
Ma soeur et moi étions encore mineures.
C'est la seule fois, connue de moi, qu'il se soit
laissé à faire ce genre de confidences.
En fait, mon géniteur ne me parlait jamais
du passé. Mais il était clair que son rapport
à nous, ses enfants, n'était pas normal.
Ma soeur et moi n'avons pas appris à
rouler à vélo avec nos parents.
C'était un peu comme si nous étions cachées
par un mort et une absente.
Mon père a emprunté un vélo, a essayé
d'apprendre à rouler à ma soeur.
Elle n'a pas réussi!!
Il a rendu le vélo.
C'était une leçon express!
Cette scène s'est reproduite plusieurs
fois, dans d'autres domaines.
Comme si mon paternel avait renoncé
à nous élever. Comme s'il regardait
constamment dans le passé, dans sa
vie antérieure, dans ce trou noir.
Du coup, en grandissant, j'ai regardé
moi aussi en arrière, pour comprendre.
Et maintenant, je me demande avec qui
vais-je pouvoir communiquer en arabe.
La nouvelle loi montre qu'il y a beaucoup de