Ce matin, je me suis promenée, emmenant mon chien, mon coach, dans mes rêveries.
A vrai dire je rêve tout le temps. Mes enfants, quand je leur lisais un livre, me disaient
"Alors, encore en train de rêver?". Ils auraient voulu que je sois à cent pour cent
avec eux. Cependant depuis toutes petite, je trouve mon imaginaire, bien plus gratifiant
que la vie ordinaire.
Et donc, vers huit heures (j'ai un peu paressé ce matin, car je ne me suis pas encore
habituée au changement d'heure), nous sommes sortis.
Mis à part quelques religieux se pressant pour aller à la synagogue, personne, mais,
par contre beaucoup de chats. Il faudrait, qu'un jour, j'écrive un article sur
ces chats là. Je n'ai jamais vu des félins aussi agressifs!
Ici et là, des tâches noires sur le sol, mon chien, Rémi, renifle
mais ne s'attarde pas. Vous qui me lisez en France, vous
ne pouvez pas comprendre, comment les trottoirs se sont-ils
salis, brûlés, ainsi?
C'est que c'est la fête de Pessah. Les religieux ont
brûlé dans des tonneaux en fer, tout ce qui n'était pas
cacher pour Pessah. Avec la complicité de la
Mairie.
Avec Rémi, j'ai appris à marcher vite, et quelques fois,
il va si vite, qu'il déboule de l'autre côté du passage à
piétons.
Souvent je pense aux primo-arrivants, pour qui notre
langue et notre culture sont encore étrangères.
Le mot "débouler", par exemple, comment l'expliquer.
Alors en marchant, je me suis mise dans la peau d'un prof,
et j'ai décidé que la meilleure manière était de faire entrer
mon chien, brusquement, dans la salle de classe.
Quelques fois un choc peut être salutaire et imprimer
durablement la mémoire.
Puis, de nouveau dans mes rêveries, je me suis dis,
que le mieux était de leur demander d'ajouter "dé" à un
verbe qu'ils venaient d'apprendre.
Et là, dans mon esprit, un élève a dit "Démonter".
C'est là qu'on voit comment le français est une langue
déroutante. Monter un meuble, monter l'escalier mais,
démonter un meuble, mais pas démonter l'escalier,
car ce n'est pas l'inverse.
De là on parlait du géant suédois des meubles, et je
me suis rendue compte, en passant devant les magasins
fermés, qu'il n'était pas sûr qu'ils connaissent son nom.
Puis je me suis rappelée de cet enseignant, à Marseilles,
qui leur passe des films muets de Charlie Chaplin.
Comme il le dit dans l'interview de France Culture,
"Dans certains endroits il n'y a jamais eu de cinémas,
et dans d'autres ils ont été détruits par la guerre".
Mais un film muet parle à tout le monde.
Je me suis remémorée une vidéo de Médiapart, je pense
des Détricoteuses, dans laquelle elles me donnaient la
réponse qui m'avait manqué, lorsque mon fils aîné
m'avait dit "Pourquoi une femme à qui l'on demande
si elle est malade, répond je le suis"?
Très bonne question, que je ne me suis jamais
posée...
La langue française est un langue de domination,
en fait les hommes, à un moment donné, ont décidé
que le masculin l'emporterait aussi ici.
Avant on disait, attention à vos oreilles,
"Je la suis". Mais c'était il y a 300 ans.
En fait, apprendre une langue, c'est plonger dans
son passé.
Dehors, j'aime bien essayer de lire tout mot
écrit en arabe. Comme j'apprends cette langue,
je peux comparer avec les autres langues que
je connais. Le français, par exemple, est une langue
écrite alors que lorsqu'on lit en arabe, on lit
comme-ci on parlait. On ne prononce
pas toujours la fin des mots. Très déroutant.
Je remarque que, souvent, ce qui est écrit en
hébreu n'est pas traduit en arabe. En Israel,
il y a deux langues officielles. Mais si c'est une
interdiction ou une injonction, c'est toujours
traduit. La langue n'est-elle pas une forme de
domination?
Quelques fois, c'est traduit en partie, je passe
souvent devant des arrêts d'autobus et tant qu'on se contente
de lire les horaires des autobus, ça va, mais plus
on continue la lecture, moins c'est traduit!
L'autre jour, mon coach et moi avons vu
des tonnes de pommes de terres sur des palettes,
devant une synagogue. Ce qui m'a fait sourire est
le papier que quelqu'un avait collé dessus:
"Interdiction de prendre ces pommes de terre!"
Non seulement, beaucoup de ces religieux
ne travaillent pas, mais en plus ils refusent de
partager...
Je vis dans deux pièces et demi, qui comporte
aussi deux balcons.
Un jour je rentrais à pied du travail, et je me
demandais comment faire passer le canapé,
dans l'autre chambre. Les déménageurs l'avait
fait passé par la porte de ma chambre, mais
maintenant, une bibliothèque se trouvait
juste à côté, empêchant la sortie du meuble.
Je me compare souvent à un cheval qui rentre à
l'écurie, mes pieds savent où aller, ce qui
laisse à mon cerveau plus de temps pour penser.
Tout à coup, j'ai pensé, mais je peux le passer par
le balcon!
Quand je trouve une solution à un problème donné,
je suis vraiment contente, c'est comme quand je
réussis un quiz en math.
A vrai dire je vois mieux les choses dehors.
Quand j'ai du réorganiser ma chambre, il m'a suffit
de me promener et de ne penser à rien et à tout.
Au retour, je savais comment bouger les meubles.
Pour finir, je dirais que, sollicités comme nous le sommes,
pouvoir rêvasser, est un vrai luxe!