Peut-être pourrait-on s’inspirer de quelques lignes extraites d’un article paru en Algérie dans une revue du nom de Naqd, mot qui veut dire, entre autres significations, « nœud », carrefour de sens, liens, liaisons, revue qui se présente comme « une revue d’études et de critique sociale », pour comprendre des phénomènes de violences actualisées par de jeunes personnes dont on n'aurait pas soupçonné la détermination à accomplir des meurtres-crimes-assassinats de personnes civiles inconnues d’elles et sans liens avec elles, vivant dans des mondes et des lieux sans liens avec elles, et pourtant, par elles, considérées comme non seulement responsables mais plus directement causes de leurs situations au point de venir leur ôter la vie dans des conditions qu’elles voudraient héroïques et exemplaires, alors qu’il s’agit d'actes de totale lâcheté, dénués de toute exemplarité si ce n’est celle qui a à voir avec l’état psychique de totale volonté meurtrière, sans doute issue d’une lente et longue expérience de désubjectivation de soi et des autres en tant que personne digne d’être tenue pour un sujet, une personne humaine, et, non un déchet, digne d’être écoutée, comprise, reconnue, non-dévalorisée, dont la part intime de subjectivité et d’humanité inscrite en chaque personne n’a pas été éveillée, ni admise, ni respectée, ni construite.
Voici ces quelques lignes proposées Abderrahmane Si Moussi, psychanalyste, en Algérie, à Alger, qui peuvent nous aider à comprendre l’état de nervosité et d’angoisse qui règne dans un pays où les catastrophes et échecs politiques, les catastrophes naturelles – inondations, épidémies, séismes – n’ont pas manqué de mêler leurs violences et de marquer la société dans son ensemble, individualités et collectivités locales et nationales comprises : « Tous ces malheurs », nous dit l’auteur de l’article, « sont certainement producteurs de souffrances et de désordres psychiques. A ce titre, ils doivent être étudiés et contrés. Cependant les observations psychiques découlant de la clinique indiquent fortement qu’un certain niveau désorganisationnel de la société et un échec de la personne ont participé fortement à l’éclosion de ces malheurs, à commencer par celui de la violence massive et extrême. Cette violence ne vient pas du néant. Elle découle en partie des échecs de la société, notamment à réguler les conflits de la personne… La démocratie psychique signifie un relatif équilibre de la personne… »
Cet équilibre étant lui-même relatif aux conditions de naissance, d’histoire, d’environnement familial, parental, social, scolaire, éducatif, politique, discursif et institutionnel. C’est pourquoi il est fort douteux que la menace – prenons le mot dans sa virtualité paranoïde – d’une déchéance – autre terme de virtualité fragilisante et émotionnelle aux accents traumatiques d’histoire sociale, ethnique, raciale et politique connues – de nationalité, soit susceptible de favoriser l’existence et la construction de cet équilibre psychique intime nécessaire et indispensable à la personne humaine en son présent et devenir.
Le développement équilibré des sociétés et certaines instabilités et incidences violentes des discours politiques souvent se heurtent et rompent précisément les équilibres toujours fragiles, mouvants, à refaire, nécessaires à maintenir le bien-être de tous les membres, actrices et acteurs existant dans une société commune, et non pour une seule ou un seul de ses membres, ou quelques-unes, quelques-uns d’un groupe, d’une association, à plus forte raison d’une communauté dite nationale à valeur universelle et humanisante.
Nabile Farès, psychanalyste