Agrandissement : Illustration 1
Revon lui rend un véritable hommage, empreint d'admiration et de reconnaissance. Il confesse avoir été profondément captivé par la personnalité de Foucault, par la force de sa pensée, mais surtout par sa capacité à se tenir en marge des normes, par sa liberté d'action, son audace, son homosexualité assumée et sa façon de vivre sans compromis. Il résume son sentiment en une formule : « C’était Mai 68 sauvé. » Autrement dit, Foucault incarnait pour lui une promesse de liberté et de refus des normes qui se prolongeait dans la pratique quotidienne.
Il avoue son admiration pour un penseur qui vivait en marge de la norme sociale, qui assumait son homosexualité et qui cherchait à vivre sans compromis. La découverte de Surveiller et punir, en 1975, survient à un moment charnière de sa vie. Cette lecture a bouleversé et nourri sa réflexion, tout en suscitant des inquiétudes. Sur le plan professionnel, cette lecture s'avère également déterminante, car Revon commence alors sa carrière d'avocat et l'œuvre de Foucault marque profondément sa manière d'exercer.
Tour à tour comparé à un archéologue ou à un généalogiste, Michel Foucault apparaît aux yeux de Christian Revon comme un analyste d'une extrême minutie, capable de mettre à nu la logique interne du droit. « Il creuse, dégage, époussette et fait apparaître les strates successives, à la manière d'une fouille archéologique », écrit-il.
Cette capacité, exercée par un non-juriste, a offert de nouveaux outils aux spécialistes du droit pour interroger de façon critique le fonctionnement du système juridique.
Un autre apport essentiel de Surveiller et punir, qui a profondément marqué Revon dans sa contestation de l’ordre établi, réside dans la capacité de Foucault à détecter un problème, à le décrire avec précision, à l’analyser en profondeur, puis à inverser les cadres de pensée afin d’ouvrir la possibilité d’un « changement radical ». Cette approche s'est concrétisée, par exemple, avec les « Boutiques de droit » créées à Paris. Ces espaces permettaient aux citoyens de venir exposer leurs difficultés (expulsion, licenciement, problème scolaire, garde d'enfants, maladie, etc.) et d'en discuter collectivement. Juristes et personnes présentes posaient des questions, échangeaient et conseillaient dans une démarche d'élaboration commune. L’objectif n’était pas seulement de fournir des réponses techniques, mais surtout d’amener les individus à se mobiliser, à trouver leurs propres ressources et à devenir acteurs de la résolution de leur situation, pour passer « de l’injustice subie à la justice agie ».
D'une manière générale, ce dispositif visait à opérer un véritable retournement libérateur : permettre à ceux qui subissaient les aléas de l'existence de retrouver, par le biais du droit, non seulement une solution, mais aussi leur dignité. L’un des exemples les plus marquants fut celui des « Boutiques de droit », créées à Paris dans les années 1970. Ces lieux rassemblaient des juristes et des citoyens pour examiner collectivement des situations de détresse quotidienne (expulsion, licenciement, maladie, difficultés scolaires ou familiales). Plutôt que de subir, les personnes étaient invitées à réfléchir ensemble pour trouver des solutions justes et redevenir actrices de leur vie. L’idée était claire : passer de l’injustice subie à la justice agie. Revon qualifiait ce processus « d'aide au retournement salutaire » et visait à transformer un vécu d'impuissance en affirmation de dignité.
À propos de Michel Foucault
Michel Foucault est une figure intellectuelle majeure du XXᵉ siècle, reconnue non seulement en France, mais aussi à l’international. Son influence touche de nombreux domaines, tels que la philosophie, la sociologie, le travail social, l’anthropologie, la psychiatrie, l’économie, le droit, les études de genre, les études postcoloniales, la géographie et la critique littéraire.
Il est un penseur complexe et protéiforme, difficile à réduire à une seule identité. Il a été tour à tour historien des sciences, théoricien de la littérature, libéral, libertaire, une voix critique marquante des années 1970, un pilier du structuralisme, un intellectuel engagé à gauche, un défenseur des droits des homosexuels, un anarchiste et un penseur influencé par Nietzsche, Fernand Braudel et Gilles Deleuze, entre autres.
Bibliographie :
– Michel Foucault, sous la direction de Philippe Artières, Jean-François Bert, Frédéric Gros, Judith Revel, Cahier de l’Herne, Éditions de l’Herne, février 2011, 415 p., 39,00 €.
– Michel Foucault, Surveiller et punir (Poche), Éditions Gallimard, coll. Tel, 1998, 360 p.
– Christian Revon (dir.), Boutiques de droit, Paris, Solin, 1979, 140 p.