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« Koukou, un jeune homme dont le « look » et le comportement différents sont jugés « bizarres » par le comité des sages du village, se retrouve interné dans un asile psychiatrique sur décision de ces derniers. Son frère Mahmoud, enseignant de philosophie, révolté par la décision du comité, accourt au village pour sauver son frère. »
Le film se déroule dans un village perché sur les hauteurs de la Kabylie, une enclave rurale où les femmes et les hommes vivent à huis clos. Trois hommes considérés comme les sages du village y font la loi. Ils jouent à la perfection le rôle de censeurs. Assis sur la place centrale du village, ils passent leurs journées à épier, contrôler, interdire. La moindre note de musique est réprimée. Le moindre changement aux habitudes est censuré. Ces hommes sont des dominateurs et des fossoyeurs. Leurs proies ?

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Les femmes exploitées à l’intérieur des foyers et à l’extérieur, dans les champs pendant que les hommes sont dans les cafés jouant aux dominos. Têtes baissées, dos courbés sous le poids des fagots, soupirs, mines tristes, les femmes qui ont participé au film ont joué à la perfection le rôle de soumises.
Dans ce film, Omar Belkacemi explore le thème de l’archaïsme des mentalités et le poids des interdits imposés par un groupe d’appartenance dominant, et leurs conséquences néfastes sur l’existence des êtres épris de philosophie, de poésie et de liberté. Et d’ailleurs, la lenteur du film vient faire écho à la léthargie dans laquelle des décideurs censeurs ont plongé le village. Il montre, par ailleurs, que les femmes ne sont pas les seules victimes de la domination masculine. Les hommes, du moins ceux qui se démarquent de l’identité collective imposée, en payent également les frais. Le retrait de cette prison qui tue à petits feux est la voie du salut de Mahmoud et de son frère, Koukou.
L’exil vers la ville, le rêve, la poésie, la philosophie, la vie farouche de beauté, sauveront-ils les deux personnages ivres de vie et épris de liberté ?
« Argu » est un film qui nous mène à pas lents sur les sentiers de la vie. C’est une histoire qui nous éblouit par la beauté des paysages dont le rôle est de contraster la laideur des esprits rétrogrades et passéistes qui ont transformé le village en "cimetière". Pour les deux personnages principaux, Mahmoud et son frère Koukou, la nature joue le rôle d'un havre de paix car c'est dans les champs respirant l'air pur, sur le sommet d'un rocher mimant les gestes d'un oiseau en plein vol, rêvant de liberté et de paix, qu'ils trouvent refuge loin de l'obscurantisme du village.
Tourné en langue kabyle, "Argu" fait partie des joyaux cinématographiques du 7ème art algérien d'expression Amazigh.
Le film a remporté le Prix de la critique Paulin S. Vieyra aux Journées cinématographiques de Carthage.
A voir absolument !
