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Billet de blog 22 août 2025

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Lou Andreas von Salomé, la femme océan

Dans « Lou Andreas von Salomé, la femme océan », Michel Meyer retrace la vie de cette intellectuelle libre et visionnaire. Muse, écrivaine, philosophe et psychanalyste, elle a marqué de son empreinte Nietzsche, Rilke et Freud.

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A 50 ans, elle devient une « croqueuse d’hommes jouisseuse »

Illustration 1

Une femme d’exception

Qui est donc Lou Andreas-Salomé, cette femme à la beauté froide et aux yeux azur, égérie insaisissable de Nietzsche, amante comblée de Rilke et disciple fervente de Freud ? Comment a vécu cette femme libre, hors du commun, aux idées modernes, à la personnalité rebelle, impertinente, insolente, insoumise et indomptable, qui a fait preuve de curiosité intellectuelle et spirituelle dès son plus jeune âge, et qui n'a cessé de déranger les esprits les plus conventionnels ? Qui est cette femme de lettres, philosophe et psychanalyste ?

C'est la vie de cette femme de génie que Michel Meyer, écrivain et journaliste, nous fait découvrir tout au long de son livre intitulé Lou Andreas von Salomé, la femme océan. Ce livre biographique retrace les grandes étapes de sa vie, de Saint-Pétersbourg à la Suisse, en passant par Rome, Berlin, Paris et Vienne. L’auteur met également en évidence ses relations avec les hommes à travers ces pages.

Origines et famille…

Lou Andreas-Salom naît à Saint-Pétersbourg « dans un climat de serre aristocratique ». Sa mère « stricte femme de devoir » est allemande. Son père, à la personnalité dominatrice et insolite, est officier d’Etat-major, promu conseiller secret du tsar. Ses trois frères ont joué le rôle de « compagnons de jeu et de complices ». La figure du père et la complicité entretenue avec ses frères ont profondément influencé ses relations avec les hommes.

Affranchissement intellectuel

Dès l’adolescence, Lou se démarque de la pensée conventionnelle de l’époque et affirme son caractère rebelle. Elle quitte l’église luthérienne et s’énamoure de Gillot Hendrik, homme d’église luthérien, marié et père de trois enfants. Lorsque celui-ci la demande en mariage, elle le repousse en déclarant qu’elle recherche « un amour total ». « Je suis excessive et c’est sûrement un mal incurable », lui répondit-elle en rajoutant : « Vous étiez à ma mesure en restant un dieu vivant, inatteignable et céleste ». Pour l’éloigner de G. Hendrik, sa mère l’envoie à Zürich. Plus tard, pour des raisons de santé, elle séjourne à Rome. Commence alors pour Lou une période d’un long exil.

Rencontres déterminantes et vie conjugale singulière

En 1882, Lou a 21 ans. Elle fait la connaissance de Friedrich Nietzsche avec lequel elle entretient une relation « qui se limite à un commerce de pur esprit ». Elle était «sa sœur en esprit ». Il était « son maître adulé, son soleil noir qui la fascine intellectuellement alors qu’il la dégoûte physiquement » écrit M. Meyer. Sa première publication, Une lutte pour Dieu, synthétise ses discussions philosophiques avec Nietzsche autour de la « mort de Dieu ».

A Berlin, Lou rencontre Friedrich Andréas qui deviendra son époux. Le couple fait chambre à part. Friedrich est à la fois « un père aimant, un frère aîné, un agent littéraire, un lecteur d’édition, un préfacier ». Il va jouer un rôle de mentor, agent littéraire, et compagnon de route. Bien qu’il avait le statut de « conjoint blanc », Lou refusait de divorcer avec lui. A cette époque, Lou publie Figures de femmes dans Ibsen (Berlin/1892).

Lou voyage beaucoup

Vienne, Munich, la Suisse, Paris, durant la Belle Époque. Femme de distinction et de culture, elle attire de nombreux hommes qui l’admirent et l’adulent. Elle a eu de nombreux prétendants, mais ses relations avec les hommes se limitaient à des relations purement intellectuelles et fraternelles. Elle avait la réputation d'être « une belle plante encore vierge, mais froide et incapable du moindre transfert affectif ». Cette « vierge inviolable », « condamnée au vide érotique » par la faute de « l'homme-Dieu rêvé » (Gillot Hendrik), éprouvait une attirance pour deux types d'hommes : ceux qui se comportaient comme de grands frères et ceux qui affichaient une attitude de conquérants et « un peu voyous ».

L’amant de chair et la découverte de la jouissance

À l'âge de 36 ans (1897), Lou est à Vienne. Elle y rencontre un jeune étudiant et poète qui va la révéler à sa vraie nature : René Maria Rilke. Cet homme au physique d'« enfant attardé » sera son premier amant de chair et de jouissance. À 40 ans, en 1901, elle le quitte. Bohémienne flamboyante, elle veut s'engager sur les chemins de « sa chère vérité intérieure ». C'est à Vienne qu'elle vit son « apothéose érotique ». Selon elle, l'acte sexuel est un partage : « L'amour ressemble à des exercices de natation avec une bouée, car nous faisons comme si l'autre était une mer qui nous porte. » Dans un article intitulé Anal et sexuel, elle fait l’apologie de l’érotisme anal, qu'elle définit comme le « plaisir-douleur masochiste de la jouissance féminine ». « La sodomie, confie-t-elle à un ami, c’est le meilleur, la goutte amère et excitante qui mérite de figurer dans la panoplie des couples. »

Réputation et relations affectives

Femme brillante et cultivée, elle attire de nombreux admirateurs dans les milieux artistiques et littéraires de l'Europe de la Belle Époque. Longtemps, ses relations avec les hommes sont marquées par une volonté d'amitié ou d'échange intellectuel, et sa réputation de femme « froide » et « inviolée » s'installe dans les esprits. Elle se sent alternativement attirée par des hommes protecteurs, des « grands frères », ou par des personnalités plus aventureuses et rebelles.

Elle admire Sigmund Freud et devient son disciple.
Lorsqu'elle se rend à Vienne, elle se lance dans l'apprentissage de la psychanalyse et fait la connaissance de Freud à un moment où celui-ci est critiqué par ses confrères, qui définissent le freudisme comme une « forme modernisée de médecine magique ». En 1911, elle assiste au troisième congrès mondial de la Société internationale de psychanalyse. Elle suit les cours de S. Freud et passe beaucoup de temps à ses côtés, observant notamment « la distance critique, la froideur analytique et la sécheresse des sentiments ». Elle considère la famille freudienne comme « un havre de paix ».

Derniers instants, mémoire et regard contemporain
Au crépuscule de sa vie, Lou Andreas-Salomé met un terme à ses voyages. Elle s'installe dans sa maison de Loufried, à Berlin. Avant de mourir, elle demande que ses cendres soient dispersées à l'aube autour du verger attenant à Loufried. La police de la Gestapo en décida autrement. Elle sera enterrée dans la tombe de son « mari blanc ».
Bien que plusieurs livres aient été consacrés à cette auteure qui a écrit sur Dieu, le sexe, l’érotisme et bien d'autres sujets, ce n’est que récemment qu’un film retraçant l’itinéraire de vie de cette intellectuelle qui a bousculé les normes et affirmé sa liberté a été réalisé. Bien que Cordula Kablitz-Post s'attache à retracer les épisodes clés de la vie de Lou dans son biopic intitulé Lou Andreas-Salomé, il semble nécessaire d'approfondir le sujet en lisant des livres qui brossent un tableau plus exhaustif de cette femme profondément ancrée dans son époque et en avance sur son temps.

Conclusion

À travers ses choix de vie, Lou Andreas-Salomé s'érige en figure de la liberté intérieure, refusant la conformité et les limitations imposées par la société, et explorant sans relâche les territoires de l'amour, du savoir et du désir

Michel Meyer est écrivain journaliste, homme de radio et de télévision. Il a occupé le poste de correspondant d’Antenne 2, de France Inter et de l’Express en Europe de l’Est et en Allemagne. Il est l’auteur de plusieurs livres.

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