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Journaliste/ Ecrivaine / conceptrice et animatrice de rencontres-débats et d'émissions sur les réseaux sociaux : "AlternaCultures" et "l'Interview". En charge du Prix littéraire AFA

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Billet de blog 23 avril 2019

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Casbah et musique Chaabi : une passion amoureuse qui se déploie au Cabaret Sauvage

Du 18 au 27 avril, le Cabaret Sauvage vibrera aux sonorités rythmiques de la musique algérienne chaâbi à travers le spectacle «Casbah, Mon Amour». Ce "genre musical qui puise ses racines des Noubas arabe-andalouses " a été revisité et façonné par une diversité de styles musicaux et de répertoires rendant cette musique populaire (chaabi) et accessible au plus grand nombre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sur une idée originale de Méziane Azaïche, Directeur du Cabaret Sauvage, le nouveau spectacle à l'affiche pendant 9 jours propose une reconstitution en musique, en paroles et en images de l'histoire du chaabi et de la Casbah qui prend l'allure d'une citadelle incarnée par Boualem (Athman Bendaoud), wlid al Casbah (enfant de la Casbah). Ce personnage emblématique joue le rôle d'un narrateur omniscient qui voit tout ce qui se passe dans cette enclave aux ruelles enchevêtrées. Au fur et à mesure de l'avancement du spectacle, il restitue au public le moindre fait entendu, vu et senti dans ce quartier où il est né et a grandi. Boualem ne se limite à jouer le rôle d'observateur et de troubadour. Face au public, il s'épanche et se livre à des révélations amoureuses.

Sapé dans une tenue bleu de Chine, Boualem, apparaît comme un témoin précieux dont la fonction est essentiellement narrative et mémorielle. Par son témoignage exprimé dans une langue poétique et chargée d'amour pour son quartier, il vise, d'une part, à mettre en valeur la Casbah dans ses spécificités et ses atouts; et d'autre part, à mettre à l'honneur les grands maîtres du chaabi, originaires de ce quartier qui ont contribué au rayonnement de cette musique.

Boualem n'est pas seul sur scène. Il a pour compagnon, Zino, un chardonneret élégant qu'il tient en laisse dans une cage posée à l'entrée de sa maison. L'oiseau est son ami, son témoin et son confident.

L'autre personnage, absent mais symboliquement présent sur scène est une femme, la belle et mystérieuse Fatma, voisine de Boualem, érigée en forteresse. Ce dernier en est follement amoureux; un amour courtois et sublimé à l'extrême.

Comment le lui dire ? Comment affronter son père ? Ce dernier refusera-t-il de lui donner la main de sa fille ? Boualem, subira-t-il le même sort que Cheikh Al Hasnaoui, chanteur chaabi d'expression kabyle, éconduit par le père de sa bien-aimée, Fatma ? Boualem, parviendra-t-il à épouser-sa belle Fatma ?

Mais Fatma est-elle réellement celle que décrit Boualem ? Est-elle aussi belle qu'il le prétend ? Sa bouche a-t-elle réellement la couleur «fraise des bois» ? Pourquoi ce personnage féminin n'apparait-il pas sur scène ? «Il y a une dimension poétique dans le fait de parler de Fatma, de l'aimer et de la décrire sans que le public ne la voit», explique Méziane Azaïche. A la fin du spectacle, «chacun sort du spectacle avec sa propre conception de Fatma», rajoute-t-il.

Sur une scène surélevée, un orchestre savamment dirigé par Mohamed Abdennour, alias P'tit Moh, composé de musiciens maniant, chacun, un des instruments représentatifs de la musique chaabi, interprète le répertoire des chantres de ce genre musical. En plus d'être «le moteur du spectacle», cet ensemble de musiciens a un rôle accompagnateur et illustre en musique et en chanson, l'histoire de la Casbah et les faits divers narrés par Boualem qui n'hésite pas à les interpeler pour leur demander de donner libre cours à leurs voix. C'est ainsi qu'en parfaite symbiose, les deux voix masculines, l'une grave et l'autre chevrotante, qui dominent la scène musicale, celle de Hafid Djemaï et celle de Mohamed Amine Tamache, rythment la scène créant une ambiance festive qui fait danser et vibrer le public.

Non loin de la scène, des images défilent sur un écran géant. Leur fonction est d'accompagner le récit de Boualem et la prestation musicale de l'orchestre. Ce travail iconographique et documentaire est l'oeuvre de Aziz Smati, celui qui, dans les années 90, a marqué la scène médiatique algérienne par les deux émissions cultes diffusées sur Radio Chaîne 3, «Local Rock», «Bled Music». Aziz a également incarné le personnage de l'Inspecteur Mergou. «Les images font découvrir la Casbah aux spectateurs qui ne la connaissent pas. Elles soutiennent également le personnage de Boualem», explique Meziane Azaïche.

Ainsi, parallèlement à la prestation de l'orchestre, les images projetées sur l'écran plongent le public dans le monde du chaabi mettant en scène le grand maître, Mohamed Idir Aït Ouarab, alias El Hadj M'hamed El Anka, celui qui rendit populaire cette musique, son orchestre et les grandes figures de ce genre musical tels que Mahboub Safar Bati, le compositeur de la chanson culte de l'immigration algérienne, Allo Allo, interprétée par El Hachemi Guerouabi; Cheikh El Hasnaoui, celui qui, dans ses chansons célèbre les femmes kabyles et chante les affres de la vie en terre migratoire; Kamel Messaoudi et sa chanson Chemââ (la bougie) qui raconte le déclin de la ville d'Alger sur des airs nostalgiques.

Par son génie et son doigté subtilement humoristique, Aziz Smati a su restituer en images les biographies ainsi que les réalisations musicales de ceux qui ont donné vie au chaabi, l'ont nourri et érigé au rang de musique populaire appréciée par-delà des frontières algériennes.

Cette mise en exergue des musiciens du chaabi est complétée par des images de la Casbah; ses ruelles qui serpentent et invitent les promeneurs à se perdre dans les méandres de son âme; ses terrasses, lieux de rencontre pour les amoureux, de récréation pour les femmes, de ressourcement pour les jeunes hommes et les jeunes filles en mal d'amour; pour son architecture louée par plusieurs architectes dont Le Corbusier; ses artisans qui recréent et perpétuent les savoir-faire ancestraux; les tenues féminines caractéristiques de ce quartier; les films ayant traité de la Casbah et ayant été tournés dans ce quartier populaire : La Bataille d'Alger, de Gillo Pontecorvo (1966), Pépé le Moko, de Julien Duvivier, avec Jean Gabin (1937), Les enfants de Novembre, de Moussa Haddad, (1975), Tahya ya Didou, de Mohamed Zinet, (1971).

Dans le flots d'images, qui défilent sur l'écran, Aziz Smati fait un clin d'oeil à la Révolution dite du Sourire qui a actuellement lieu en Algérie, en faisant défiler des photos de manifestant.e.s portant des banderoles qui mettent en perspective les revendications populaires. Apparaît également sur l'écran Miss Algérie 2019, «très critiquée par des Algériens en raison de la couleur de sa peau», explique Aziz Smati.

Les dernières séquences du film sont consacrées au clip de la chanson intitulée «Ya rayah» («Toi qui t'en vas»), du chanteur chaabi, Dahmane el Harrachi, reprise par Rachid Taha qui l'a rendue célèbre mondialement.

L'évocation de la figure du Rock des années 1980, décédée en septembre 2018, a tout son sens ici puisque «l'idée du spectacle est née avec Rachid Taha qui nous a quitté avant sa création», explique Meziane Azaïche. «C'est un hommage que je lui rends. C'est une façon d'honorer ma promesse», rajoute-t-il.

Casbah, Mon Amour s'inscrit dans la continuité des spectacles proposés par Meziane Azaïche pour rendre hommage à l'Algérie et à l'immigration algérienne. C'est un spectacle mémoriel, humoristique et divertissant qui vise à célébrer la Casbah et à rendre hommage aux anciens du Chaabi et à feu Rachid Taha. Il s'adresse à tous types de publics; pour la diaspora algérienne mais aussi pour toute personne avide de découvrir l'histoire de la Casbah et des chantres du chaabi, cette musique, lente et douce qui fait encore battre le cœur de cette ville-citadelle bâtie sur les ruines de l’ancienne Icosium à l’époque ottomane entre 1516 et 1592; ce vieux quartier aux ruelles étroites, pentues, sinueuses et coupées par des escaliers, aux murs défraichis et aux maisons qui s'effritent au fil du temps.

Hier encore, un immeuble s'est écroulé dans ce quartier, vieux comme le monde.

La Casbah aurait-elle perdu son prestige d'antan ?

Dis, Boualem !

Casbah, mon Amour, tous les jours, de 19 h 30 à 23 h, j'usqu'au 27 avril 2019 :

• Direction Artistique : Mohamed Abdennour alias Ptit Moh

• Comédien : Athman Bendaoud

• Metteur en scène : Boualem Gueritli

• Mandole & Chant : Djemaï Hafid

• Guitare & Flûte : Malik Kerrouche

• Violon : Naser Beghad

• Derbouka : Amar Chaoui

• Tambourin ; Hamani Ait Idir

Cabaret Sauvage, 59 Boulevard Macdonald, 75019 Paris

+33 1 42 09 03 09

cSite : www.cabaretsauvage.com

Mail : cabaret@cabaretsauvage.com

La Casbah en fiction

http://www.lacauselitteraire.fr/un-palimpseste-pour-l-oubli-par-nadia-agsous

htthttp://www.lacauselitteraire.fr/un-palimpseste-pour-l-oubli-2-par-nadia-agsous

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