La candidate interprète magnifiquement la chanson d’Albert Cohen, Hallelujah, qu’elle chante en anglais et en Arabe.
La vidéo de son passage à « The Voice » devient virale. Une voix, une grande beauté, un talent incontestable et des cheveux élégamment couverts. Le public découvre les origines syriennes de Mennel, une francité pleinement assumée tout comme son appartenance religieuse : l’Islam.
La jeune fille se livre dans l’émission et parle de sa sensibilité, de son désir de transmettre des émotions, de l’amour… et de manière presque prophétique, évoque un de ses défauts : la naïveté. Mennel explique prêter facilement de bonne intentions à tout le monde !
Naïveté qui parait être un moindre mal comparé à la déferlante haineuse qui va, à peine quelques heures après sa prestation, lui emboiter le pas !
Eh oui, dans le pays de la liberté d’expression, le conte de fée aura été de courte durée !
En effet, il se trouve que très rapidement certaines personnes, dont les intentions me paraissent discutables, se sont subitement senti l’âme d’enquêteurs, et se sont mis à farfouiller dans les comptes twitter et facebook de la jeune fille, sait-on jamais des fois qu’il y aurait quelque chose à se mettre sous la dent.
Cette démarche permet de mettre à jour, deux publications à connotations complotistes sur les attentats de juillet 2016. Dans l’une d’elle, elle écrit : "c'est devenu une routine, un attentat par semaine. Et toujours pour rester fidèle, le 'terroriste' prend avec lui ses papiers d'identité. C'est vrai que quand on prépare un sale coup, on n’oublie surtout pas de prendre ses papiers", le tout accompagné du hashtag #PrenezNousPourDesCons. A cela s’ajoutent des références à Tariq Ramadan (suivi par plus de deux millions de personnes sur facebook), à l’époque où il n’avait pas de démêlés avec la justice, ainsi que son soutien pour la paix en Palestine. Il y a aussi des selfies avec des gens de l’association Lallab (une association qui milite pour le droit aux femmes de porter le voile) subventionnée par des fonds publics.
L’amalgame est fait et le raccourci facile.
La jeune fille, a chanté un classique, hallelujah de Léonard Cohen, mais en y introduisant une strophe supplémentaire en arabe, qui ne serait qu’un chant religieux intégriste, d’après ses détracteurs. Cependant, une fois traduit, on parcourt un texte qui se termine par une invocation à Dieu. Mais attention pas sous la forme musulmane Allah, mais plus large d’Illah, divinité qui est aussi celle des arabes chrétiens…
Mais prenez garde ! Mennel Ibtissem est complotiste, une adepte des discours radicaux, veut-on nous faire croire !
La jeune femme alors tout juste sortie de l’adolescence, lorsqu’elle relève dans la coïncidence de ces terroristes identifiés avec leurs papiers d’identité, ne fait rien de très spectaculaire, puisque ces propos ont été tenus dans le même temps par probablement des millions d’autres internautes.
Parce que le terrorisme blesse les musulmans aussi, qui souffrent de l’image négative qui est véhiculée de leur religion, je comprends ici une façon maladroite de bien distinguer l’Islam du terrorisme. Une réaction défensive tout à fait propre à l’humain. Elle s’en est excusée, de même que pour l’autre publication disant que « les terroristes, c’était notre gouvernement ». Outre que cette opinion n’est pas étayée, on relèvera le « notre » qui vient appuyer son appartenance Française.
Concernant le voile et son soi-disant militantisme en faveur du voile, n’importe qui pourra vérifier que lors de l’émission, Mennel est accompagnée par sa sœur qui laisse paraitre sa chevelure ! Cela ne semble pas nuire à leur relation fraternelle. De fait on voit bien que Mennel respecte tout à fait le choix de sa sœur, dans le cas contraire, elles ne seraient pas affichées ensemble.
Mennel, radicale on ne sait pas s’il faut rire ou pleurer ! une islamiste qui chante, turban chatoyant, des lèvres et des yeux maquillés, et sur un plateau TV, la chanson d’un compositeur juif qui soutien Israël, c’est une première. Mennel, islamiste ? Elle chante « Souris, Palestine » voilée. Mais elle y vante une Palestine, « terre du Salaam et de Yom Kippour » – la paix et le grand pardon.
On constate de fait, que l’accusation de complotisme est pour le moins à géométrie variable. Les vedettes adoptant les thèses les plus « originales » sur les attentats du 11 septembre, se portent bien, leurs carrières respectives aussi.
On constate également, que nous sommes très loin, du tableau de la jeune fille radicalisée qui par ailleurs est attaquée sur les réseaux sociaux par des personnes au discours plutôt intégriste, qui lui reprochent de « s’être montré impudique sur scène, de s’être exposée au diable »… et j’en passe des meilleurs. Comme si cela ne suffisait pas, la voilà entre deux étaux !
Pourtant… Mennel Ibtissem s’est excusée, contrairement à un nombre incalculable de politiques, célébrités qui ont à un moment donné dérapé.
Peine perdue TF1 a annoncé que la chaîne envisageait son exclusion. Deux jour plus tard, la jeune fille, face aux milliers de commentaires emprunts d’un racisme et d’une violence insoutenable, face au portrait caricatural dont elle est affublée et malgré ses excuses publiques quitte l’aventure de « the Voice » avec ces mots : "J'ai participé à cette émission avec l'intention de rassembler pas de diviser, d'ouvrir les esprits et pas de les assombrir »
Triste tableau de la foire d’empoigne d’un tribunal populaire qui soulève des questions de fond.
Comment veut-on que ce qui apparaît bien comme une injustice particulièrement cruelle soit perçue par les Français musulmans et par ceux qui abhorrent ce type de lynchage médiatique ?
Comment est-il possible qu’on ne comprenne pas que ce type d’affaire divise encore plus un pays et pousse au repli communautaire ?
Comment se fait-il que la France ne garantisse pas dans le cas Mennel une liberté de conscience et d’expression ?
Comment se fait-il qu’une erreur ou une maladresse de jeunesse ne se pardonne plus?
Comment se fait-il qu’impunément et de manière décomplexée cette jeune femme se fasse insulter, menacer et subisse des injures racistes au vu et au su de tous sans qu’aucune autorité ne vienne y mettre le holà ?
Qui fait la loi ? Les réseaux sociaux ? les médias en quête de buzz ?
Si le cas Mennel me touche profondément, c’est que cette jeune fille pouvait incarner une chance pour notre société, une occasion de rencontre. La quête de buzz, la précipitation, le jugement à l’emporte-pièce, le racisme décomplexé en ont décidé autrement.
Le gâchis est total.