Pour donner une idée du premier débat, voici quelques extraits des 163 commentaires postés en réaction à mon billet au sujet de la modération des blogs de Mediapart. Ils sont suivis d'un résumé des six propositions émises. Nous pourrons alors en débattre.
(les citations des commentaires, et les propositions sont en italiques. J'ai laissé en caractères "normaux" mes propres interventions dans ce billet)
Alain Godefroy : "Effectivement, Médiapart a tardé à faire la police. A Médiapart donc de régler ses problèmes. Je note que nous avons quand même survécu sans grandes difficultés à ce que vous appelez des nuisances. Il faut distinguer […] l'insulte grave ou la menace, qui demande à mon avis une intervention de Médiapart et les commentaires imbéciles" […] "Je fais le tri moi-même. Pourquoi vouloir que d'autres le fassent pour moi?" (outre l'insulte et la menace, il faut aussi pouvoir réagir au troll qui envahit un fil de discussion)
Dianne : "Opposer les principes de la "Censure" (majuscules, mégaphone et trompettes !) comme épouvantail majeur en cette matière revient à donner les pleins pouvoirs aux forbans." (Censure ? Mon idée que "les règles augmentent la liberté" est-elle opérante dans une pratique démocratique ? Car "l'excès de lois attente à la liberté")
Marielle Billy (qui préfère l'auto-modération) : "ce qui m'intéresse c'est l'expérience de faire ensemble avec sa complexité." […] "une fois la parole prononcée, elle n'est plus tout à fait à moi, elle s'expose et cela a des conséquences, génère des malentendus, des conflits" […] "On peut échouer ou réussir, la responsabilité est partagée. C'est ce qui me plaît." (Dans les fils de discussion, on joue le jeu et on joue son jeu. Et chacun est responsable de sa parole, comme tous et chacun sont responsables de la bonne tenue du débat)
kairos : "De mon point de vue, la "modération" par blog, c'est-à-dire la censure, appelons le chat un chat, reviendrait à une privatisation de fait d'un espace collectif, avec évidemment la formation d'un socle identitaire et d'une communauté de co-locataires, trop de bruit dans l'escalier, on change le code d'accès ..." […] "Pour moi, le blog est une simple modalité d'être dans le Club qui est un espace commun (et même public, puisque lisible de l'extérieur)." (on peut aussi voir un blog comme un lieu privé ouvert au public, un lieu de débats qui nécessite la régulation d'une présidence. Mediapart lui-même n'est-il pas un espace privé ouvert par un propriétaire, qui accorde au public d'y intervenir, moyennant le prix d'un abonnement ? Ce qui fait de la rédaction le seul maître à bord)
Axel J : "entrer dans un principe où MON blog c'est chez MOI, par n'importe-quel biais même le mieux pensé, ce sera toujours sortir du beau principe du rêve et du projet Mediapart des débuts, où Mediapart est un lieu, un lieu qu'on a en commun et où on fonctionne et où on construit en commun." (rêve et réalité : faut-il rappeler que Mediapart est un journal, fut-il interactif, qui a un ou des propriétaires, que la loi autorise à prendre des décisions concernant les blogs. Où est-il inscrit que les abonnés ont le moindre droit de décision ? Faut-il le regretter ?)
christian paultre : "Tous ces débats, formules, invectives, pour règler un problème qui serait en réalité très simple si notre culture où doit briller l'individualisme était attentive au respect des individus dans une démarche civique simple."
JPYLG : "La première erreur est de considérer que chacun est propriétaire de son blog, donc exerce un droit de regard sur ce qui s'y dit." […] "il faut partir de l'état général de notre culture, de nos moeurs. Nous ne sommes pas prêts à l'usage de la liberté d'expression, parce que nous sommes éduqués au silence et à la soumission, depuis toujours. Nous ne sommes pas éduqués à la tolérance. Nous ne sommes pas éduqués à la morale publique." […] "La liberté d'expression sur Médiapart existe. C'est la raison pour laquelle il y a une telle cacophonie. C'est la raison aussi pour laquelle j'y suis."
JoëlMartin : "Je pense que la décision de la rédaction de couper le commentaire à deux multirécidivistes pourtant dûment avertis peut servir d'exemple précisément car elle est rarissime. Si tout un chacun devient modérateur, on s'approchera d'une situation analogue à celle d'un bistrot où chaque spectateur d'un match de foot devient sélectionneur."
Axel J : "Ce qui me fait le plus peur […] c'est ce besoin de légiférer selon des exceptions, ce mal si caractéristiquement français, c'est cette propension à fonctionner "à l'envers", à oublier le cas normal et à oublier d'essayer de fonctionner sur des bases saines et solides et bonnes,
pour préférer fonctionner sur des bases de problèmes, de défauts, d'exceptions, d'emmerdeurs..." (si je comprends bien, il s'agit de ne pas devenir "otage" de rares trolls au point d'ajouter de nouvelles règles qui ne visent que des exceptions. Mais un problème surgit dès qu'une de ces "exceptions" devient envahissante)
Fantie B. : "Le pouvoir d'exclure laissé à chaque blogueur ne me va pas, en tant que projet : je n'attends pas de Mediapart qu'il soit une plate forme de blogs indépendants."
LES SIX PROPOSITIONS : (sous condition que l'informatique de Mediapart puisse les mettre en oeuvre)
* Naja : "Ma demande est que la rédaction mette à la disposition de chaque blogueur, en bas de chaque réaction à ses billets, un bouton "supprimer", qui permettrait au blogueur - et à lui seul - de faire le ménage dans son propre domaine, son blog"
** kairos : "Ne conviendrait-il pas, alors, de permettre à chacun le "repliement" des commentaires d'un blog, ce qui n'est pas exactement leur suppression, puisqu'ils restent en lecture pour les autres ?" (ce repliement, qui a provisoirement ma préférence, ne dispenserait pas de l'emploi de la fonction "alerter", au cas où l'intervenant gênant inonderait le fil de ses commentaires, bloquant ainsi le débat. Mais cette fonction "alerter" pourra-t-elle intervenir assez rapidement pour que le débat puisse reprendre ?)
*** M Philips : "Pratiquement, pour apporter cette "modération", je re-propose
-la mise à disposition, pour chaque abonné publiant un billet, d'une touche "modération" qui aurait pour conséquence, d'être affichée à la fin du commentaire jugé "injurieux, ou raciste, ou etc" mais sans le supprimer,
-et entrainant l'impossibilité, pour l'abonné concerné, d'intervenir à nouveau et uniquement sur le billet en question."
[…] "Dans mon esprit, le blogueur qui déciderait d'afficher "modération" à la suite d'un commentaire qu'il jugerait insupportable, n'aurait pas à se justifier: le commentaire restant affiché, chacun pourrait juger!
Mais cela imposerait aussi au commentateur affublé de ce"modéré" ([et] jugé insupportable) de ne plus pouvoir intervenir sur ce billet."
[…] "Le dispositif proposé montrera rapidement quels sont les abonnés qui ne cherchent à entendre que ceux qui vont dans leur sens! Ils seront vite jugés comme "peu tolérants", celui nuira à leur image! Leur billets, trop souvent modérés au niveau des commentaires, se réduiront comme peau de chagrin! Bref, qui est pris qui croyait prendre!" […] "ce qui renvoie à l'image de tolérance de l'auteur du billet!" […] "les trolls réfléchiront à deux fois, connaissant le risque couru d'être écarté!"
**** Passifou : "Pour revenir au bouton "inviter", qui m'intéressait, et dont on pourrait étendre la vocation, c'est à dire pouvoir convier les mediamis à suivre un fil, pour leur demander leur avis, ou pour simplement les informer d'un sujet sur lequel on peut avoir besoin de leurs lumières, ou pour le signaler à leur attention, cela existe déjà dans la messagerie privée." (désolé, je ne retrouve pas la première évocation de ce bouton. Il me semble qu'il devait servir à signaler à l'auteur d'un message "modéré" - selon la proposition de M Philips - qu'il peut revenir dans la discussion. J'ai juste ?)
***** MG2 : "essai pendant un mois ou plus de deux modalités de fonctionnement - annoncées et pratiquées - :
- A/ Les blogeurs /ses se positionnant comme utilisateurs/trices de divers moyens amenant à " la modération"
- B/ ceux ou celles qui continuent dans le principe de la liberté d'expression actuelle, avec évidemment le respect de la charte médiapart présente."
****** Ivan Villa : "1) Mise en place d’un collectif de fonctionnement tournant du club Mediapart composé de journalistes et de lecteurs ;
2) Aucune décision ne peut être prise au dehors des logiques consensuelles ;
3) Aucune contribution ne sera effacée : chaque fois qu'une contribution posera des problèmes, elle sera rangée dans une rubrique cachée (ou pastillée) et une discussion sera ouverte ; cependant, n’importe quel lecteur pourra consulter cette rubrique et lire les raisons pour lesquelles le collectif de modération a placé le commentaire ou l’article dans la pastille/rubrique caché ;
4) Si le collectif arrive à la conclusion que la contribution peut être visible, elle sera ré-éditée hors rubrique cachée ou pastillée ; il faudra également déterminer les temps et les rythmes du consensus…"
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Dans ce débat, il s'agit de confiance. Le projet initial de Mediapart se basait sur la confiance faite aux abonnés, lesquels avaient confiance dans le jugement et la sagesse de la rédaction. Le retard mis par la rédaction à modérer deux blogueurs abusifs a mis à mal cette dernière confiance. La confiance faite aux abonnés sera à nouveau mise à l'épreuve, dès l'apparition d'un nouveau troll (dont l'activité ne manquera pas d'en susciter d'autres…). Ce qui pourrait restaurer la confiance sera la rapidité et l'efficacité des mesures déjà prévues par la Charte (en particulier l'efficacité de la fonction "alerter").
Je souhaiterais également que Géraldine, la modératrice, rende compte régulièrement dans le Club de ses activités et des mesures qu'elle a dû prendre. Mais elle rend compte à ses employeurs, qui ne sont pas les abonnés. Or, pourquoi ne pas nous informer ?
Il est possible que la Charte, bien appliquée, suffise désormais. Nous le souhaitons toutes et tous.
C'est pourquoi, quant à moi, je pense préférable d'attendre que de véritables difficultés se présentent à nouveau, pour proposer "nos" solutions à la rédaction, au cas où nous jugerions que ces difficultés sont mal surmontées. Ce qui ne nous empêche pas d'attirer l'attention d'Edwy Plenel sur nos propositions. Qui donc prétendrait que les abonnés doivent se taire ?
Profitons de la paix revenue après les sanctions et l'intervention d'Edwy Plenel, qui se réfère à la déclaration des Droits de l'Homme de 1793 : "Ne fais pas à un autre ce que tu ne voudrais pas qu'il te soit fait". Nos débats ne sont pas inutiles, ils préparent au moment, inévitable, où de nouveaux gêneurs apparaîtront. Je vous propose donc de les prolonger ici.