Es-tu en faute, en peine, en colère,
Toi qui frémis aux mots que dit ta mère ?
Sa langue
ses accents
Ceux de ta rue
Dévalent en toi qui cours
Mots d’amour, de colère
Mots où jaillit ta vie
Mots donnés
Mots appris
Mots de ton pays
D’ici
Où est ce que tu espères
ce que tu acceptes
ce à quoi tu consens
Morts de là-bas
Où pleurent des parents
Langue vive,
Long oubli
Distance, présence
Morts d’ici
Étrangers, lointains,
Qui parlent dans les livres
Partis, présents
Ton pays qui t’a dit
Tu es parmi nous
Tu es le frêre de nos frêres
Es-tu en faute, en peine, en colère ?
Une image
Rien qu’une image
Ces pas précipités derrière toi
Les cris qui te poursuivent
La langue qui soudain te pourchasse
Celle dont ta mère sait des mots
Enseignés par toi
Ta mère qui entend
Tu cours
Des pneus crissent
Des cris
Déjà des détonations
Cris, crissements, fumées, gaz
Des hommes sombres
Rapides, zélés, armés
Es-tu en faute, en peine, en colère ?
Tu as appris cela :
Devant eux
Tu dois courir
Te cacher
Te taire
Tu cries
Ton pays
Harceleur, injurieux, casqué
Masqué
Qu’as-tu fais ?
Être qui tu es
Être qui tu fuis
Être ce que celui que tu fuis t’impose
À chaque jour adossé
Soumis à l’opprobre
À la seule force
Leur force qui a besoin de la peur de toi
Qui es-tu ?
Sage comme une image ?
Fort comme un mot ?
Fort comme un mort ?
Es-tu en faute, en peine, en colère ?
Le mot aimer s’apprend-il ?
Quelle est la langue de la joie ?