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Billet de blog 1 avril 2008

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Quand je serai grand(e)

J’ai vu que le film Beaufort était sorti cette semaine dans les salles parisiennes. Le film a fait un tabac ici, en Israël. Mais… les acteurs principaux ont provoqué la polémique : ils jouent des soldats israéliens qui veillent sur le lieu mythique du château de Beaufort durant la première guerre du Liban et, à une exception près, aucun n’avait fait l’armée. C’était d'ailleurs une des critiques les plus fréquentes sur le film : on voit qu’ils n’y connaissent rien, untel tient son flingue n’importe comment, l’autre sait même pas lancer une grenade.

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J’ai vu que le film Beaufort était sorti cette semaine dans les salles parisiennes. Le film a fait un tabac ici, en Israël. Mais… les acteurs principaux ont provoqué la polémique : ils jouent des soldats israéliens qui veillent sur le lieu mythique du château de Beaufort durant la première guerre du Liban et, à une exception près, aucun n’avait fait l’armée. C’était d'ailleurs une des critiques les plus fréquentes sur le film : on voit qu’ils n’y connaissent rien, untel tient son flingue n’importe comment, l’autre sait même pas lancer une grenade.

Cela a été discuté en long et en large, l’occasion pour le ministère de la Défense de battre le rappel, une excuse de plus pour aller dans les lycées faire la leçon aux élèves et aux professeurs, leur rappeler l’importance d’être aux unités combatives de Tsahal, le besoin de protéger sa patrie, sa famille, sa maison (les trois choses qui reviennent immanquablement). Cela fait un moment que la question de savoir comment prévenir ou punir ceux qui se défilent agite les instances dirigeantes.

Dalit, professeur de littérature en lycée, me raconte les «promenades sur les traces des grandes batailles» organisées par l’armée dans l’équivalent israélien des années de première et de terminale. Il y a deux événements majeurs lors de ces étranges classes vertes : une leçon de tir et un moment privilégié avec un grand militaire qui raconte aux élèves le déroulement d’une bataille mythique, sur le terrain même des événements. Les garçons et les filles participent ensemble, c’est parfaitement égalitaire.

C’est un moment où les jeunes adultes peuvent se projeter dans l’avenir, se rêver en commandant en chef, en sniper, en tankiste, en pilote…

Dalit a refusé d’y amener ses élèves en arguant que des promenades sur les traces des grandes batailles pourquoi pas, mais qu’elle aimerait bien voir des promenades sur les traces des grands poètes, des grands scientifiques. Autre chose, quoi.

Accepter ou refuser, dire son désaccord comme on peut, poser les limites de sa participation. Je rencontre beaucoup de personnes qui ont un rapport direct avec la politique, même dans des choses qui, vues d’ici, sont anodines.

En 1956, après les massacres de Kafr Qasam, les tribunaux israéliens ont décrété qu’il est des commandements qu’il est interdit de suivre, et plus encore, auxquels il est obligatoire de désobéir. S’appuyant là-dessus, certains refusent de mettre en œuvre un commandement qui, selon la formule, porte un «drapeau noir». Bien évidemment, décider de ce qui fait ce drapeau noir est difficile. Et rares sont les soldats acquittés de leur refus.

Le mouvement des refuzniks a fait du bruit. Ces soldats qui refusent d’aller servir dans les territoires, ces pilotes qui refusent de jeter des bombes sur des cibles pas claires. Ils vont en prison. Il y a même une association qui se charge de les encourager dans leurs cellules, en leur criant des mots de soutien depuis l’extérieur des prisons.

Forcément, la limite de la désobéissance, c’est qu’on ne peut pas la contrôler. Que dire des soldats religieux qui ont menacé de refuser d’évacuer les colonies, et qui parfois ont mis leur menace à exécution ? Est-ce qu’encourager les uns c’est risquer d’avoir à gérer les autres ?

Et puis, à part ceux qui refusent pour des motifs politiques ou religieux, il y a ceux qui se débrouillent pour se défiler.

Quand Bar Raphaeli, célèbre mannequin israélienne, a été invité par le couple Sarkozy pour tenir compagnie à M. Peres, ce n’est pas la différence d’âge entre les deux représentants de l’état hébreu qui a fait tiquer le public, mais le fait que Mlle Raphaeli a récemment donné un entretien avouant qu’elle s’était mariée pour échapper à son service, et qu’elle trouvait l’armée inutile et la carrière de mannequin beaucoup plus intéressante. Scandale, évidemment : qu’une femme pareille représente le pays. Les mœurs se perdent.

Forcément, on est impressionné du culot. Mais est-ce que ce n’est pas toujours les mêmes (ceux qui n’ont pas le privilège/ le luxe de pouvoir refuser) qui s’y collent ?

Nadav fait ses réserves pour cela, disant que si ce n’est pas lui, ce sera forcément un autre, et qu’il ne veut pas se décharger d’une responsabilité qui lui incombe comme citoyen. Un ami de Btselem (donc, un militant actif pour la fin de l’occupation des territoires) fait ses réserves, disant que lui ne s’occupe que des méchants et qu’il a la conscience tranquille.

La ville de Tel-Aviv a mauvaise presse dans le pays pour ce qui est des affaires militaires. La gauche s’y concentre et il paraît que le pourcentage des soldats combatifs y est beaucoup plus bas. Des élèves de lycées Irony-Daled ont organisé une performance en protestation contre la visite des représentants de l’armée dans leurs classes. Une performance artistique où ils dansaient tout de blanc vêtu en lavant un cerveau de papier mâché à l’aide de balais-brosses.

J’aurais aimé voir ça.

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