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Billet de blog 6 avril 2009

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bonnes fêtes

Nous suivons deux calendriers en parallèle… Aujourd’hui, par exemple, nous sommes à la fois le 6 Avril 2009 ET le 12 du mois de Nizan de l’année 5769.

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Nous suivons deux calendriers en parallèle… Aujourd’hui, par exemple, nous sommes à la fois le 6 Avril 2009 ET le 12 du mois de Nizan de l’année 5769.

Le hasard des jonctions de calendriers a parfois un certain humour.

Nadav est né le 8 Avril 1975 pendant les sirènes du jour mémorial dédié aux victimes de l’Holocauste. Cette année nous fêterons son anniversaire en même temps que la sortie d’Egypte, ce qui promet d’être festif.

Le « Seder » (repas de Pessah, la Pâque juive) est un grand moment, chez ma belle-famille. Si tout le reste de l’année les dîners du shabbat sont le théâtre de discussions politiques en forme d’affrontement en règle, tout le monde se rassemble pour chanter la fin de l’esclavage.

La mère de Nadav et son frère et sa sœur ont grandi dans un hôtel… pour amuser les clients venus y passer les fêtes, ils chantaient et dansaient entre les tables sous leurs applaudissements. Sont restées de ces années des chansons inédites et rien qu’à eux qui jalonnent la traditionnelle lecture du livre de la Hagaddah, célébrant dieu qui nous a permis de voir ce jour de liberté en nous préservant du mal mais surtout en nous séparant des autres, des mécréants, des goyims… C’est un moment assez guerrier, le dîner, puisqu’on se rappelle en ordre (seder) le récit (haggadah) de comment avec l’aide de dieu on est venu à bout des Egyptiens.

Peut-être que (notre ministre des affaires étrangères) Lieberman avait cette commémoration en tête quand il a insulté Mubarak en lui disant d’aller « au diable ». Sans doute sa manière à lui de fêter les 30 ans des accords de paix entre Israël et l’Egypte. Oh ! ça promet, ça promet… La seule chose qu’il nous reste à espérer de ce côté-là c’est que l’enquête policière qui l’accuse de corruption avance vite vite vite et qu’il soit déchu de ses fonctions avant d’avoir eu l’occasion de provoquer une catastrophe.

Pour la deuxième année consécutive, un étudiant de yeshiva (école religieuse) s’est entièrement dévêtu (sauf une chaussette en guise de cache-sexe) pour protester contre la vente de pain chametz (nourriture contenant du levain) dans un supermarché (en cette époque de Pessah, il est interdit de consommer du levain… en identification à nos ancêtres qui, fuyant l’Egypte n’ont pas eu le temps de faire lever leur pain).

La vente du chametz en public est prohibée pendant la durée des fêtes… mais les supermarchés étant un lieu « privé », ils sont autorisé à en vendre. L’étudiant retourne leur argument contre eux, arguant qu’il ne peut pas être arrêté puisqu’il ne se dénude pas en public, mais dans un lieu « privé »… la preuve ? il y a du chametz en vente !

Depuis maintenant presque un mois l’appartement à côté du notre est en travaux. Trois Palestiniens-Israéliens viennent y travailler tous les matins (tôt, très tôt), parfois accompagnés de deux autres beaucoup plus jeunes. On discute un peu. Ils viennent de Umm-El-Fahem, la ville où il y a eu le défilé de l’extrême droite la semaine dernière. Les stikers HADASH sur notre porte aidant, on parle un peu politique… tout le monde a voté pareil, mais pas avec le même enthousiasme.

Hier, on se croise alors qu’il partent. L’un des plus âgés me lance : si on ne se voit pas d’ici là, bonnes fêtes ! J’ai un moment d’hésitation, d’un coup je ne sais pas de quelle fête il parle. Ben si… la sortie d’Egypte ! Le plus jeune me regarde comme si je débarquais de Mars, ou presque. Ah, oui… je tente une plaisanterie pour me disculper : je suis une mauvaise Juive, moi… merci oui, oui… bonnes fêtes.

Je me demande ce que ça fait de grandir dans un pays dont toute l’Histoire est une autre histoire à laquelle on se sent non seulement étranger mais forcément exclu. Je repense à ce collège de Kfar Kara du pays où les deux histoires sont enseignées ensemble.

A propos d’histoire commune, une recommandation : EXIL ET SOUVERAINETE, de Amon Raz-Krakotzkin aux éditions La Fabrique…

En ces moments de célébrations de la fin de l’esclavage visant à louanger la force et la continuité du peuple d’Israël, il n’est pas désagréable de se rappeler quelques fondements de la religion juive dans ce qu’elle a de passionnant : « L’essence du judaïsme est l’idée que l’existence est un exil, et le fait de vivre en terre d’Israël ne constitue pas une exception à cette règle (…) La terre d’Israël n’a jamais eu un sens purement territorial : Sion est l’image de la rédemption et non un territoire sur lequel vivre. »

Cité ainsi, hors contexte, ce n’est pas assez… mais ça donne envie, non ?

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