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Billet de blog 7 mai 2009

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ça fait maintenant une semaine que je suis rentrée en France. A Paris. Marrant comme on reprend vite les habitudes, les bonnes et les autres. Marrant aussi comment il faut se reprendre pour ne pas clamer « shalom » en entrant dans un magasin. J’ai des tics de langage qui me collent au palais : yallah ! pour dire on y va, nu ! pour dire mon agacement…

En réponse à une question que je me posais : oui, il ne se passe pas dix heures sans que j’aille sur le site de haaretz prendre des nouvelles du front. Mais vu d’ici, d’un coup, Israël paraît bien tranquille.

Olala, quelle ébullition !

A peine arrivée, j’ai assisté à une émission grand public, à la télé publique, justement. En bas de l’écran, écrit d’une main d’enfant : est-ce que ça va péter ? C’était le soir avant la manifestation du Premier Mai et les invités de M. Taddei étaient conviés à discourir sur ce qu’ils imaginaient serait l’issue de la journée de mobilisation.

Ça m’a fait tout drôle. Un retour à la spécificité française… On se pose la question, en prime time, si la révolution est proche. Et chacun y va de ses certitudes, les mots sont là, INSURRECTION revient régulièrement, mais aussi REVOLTE, mais aussi LUTTE. Les intervenants se renvoyaient la balle (très) poliment… oui, monsieur, non madame… il n’y a pas de révolution à venir… non, non, je ne crois pas… est-ce que ça va péter ? eh bien moi, je dis qu’il faudrait tout de même… oui, oui, ce serait bien que ça pète… encore faudrait-il savoir comment… meuh non, ça va pas péter, enfin, monsieur… mais il faut demander des comptes à notre gouvernement, ça oui…

Et puis, dans les kiosques, les couvertures de journaux : gauche extrême, gauche ultra (ça fait un peu supporter de foot tendance hooligan, non ?)… et dans le NouvelObs’ : jusqu’où peut aller l’insurrection française ?

Je me demande ce qui se passe. La dernière fois que j’étais ici, il y avait déjà des remous, mais là… je découvre que les Français ont envie de mordre. Et que même les médias bourgeois estiment que le débat urge. Forcément, on est en droit de se demander si poser la question n’est pas la désamorcer… mais bon. Toujours est-il que l’interrogation plane: est-ce que ça va péter ? quand ? comment ? jusqu’où ?

Je lis « l’Insurrection qui vient », c’est très à la mode.

« En fait, on n’aurait jamais dû délier rage et politique »…

Je m’étonne du point de départ du Comité Invisible : c’est le désespoir… celui-là même qui me ronge, qui nous grignote tous autant que nous sommes à des niveaux différents… c’est à partir de ce désespoir que l’invisible comité sursaute, rebondit, fabrique de l’à venir.

Impressionnant. Grisant. Formidablement désirant. Et d’une actualité qui me sidère.

Le désespoir comme un lieu duquel on peut créer du lien, du collectif, de l’entraide, du combat. Pas n’importe quel combat, une lutte contre le désespoir, justement. Contre une fausse paix sociale forcément mièvre et donc morbide.

Je me dis : un truc pareil serait impossible en Israël. Et j’essaie de comprendre pourquoi.

Il y a bien des groupes-uscules qui tentent de penser la « matsav », la situation, d’un point de vue actif et combatif. Des petits collectifs qui se retrouvent pour penser comment lutter contre ce qui est présenté régulièrement comme la fatalité, le cours des choses. Mais, outre le fait qu’ils sont (forcément ?) et les « contradictions » pour reprendre le mot de Claude Lefort.

Je voudrais penser un pays avec l’autre, penser la France avec Israël. Et vice versa. Profiter des allers et retours pour mieux penser, pour essayer (autant que possible) de tout penser en même temps.

Les contradictions sont gommées en Israël, à cause de la matsav, pour la matsav, à force de matsav

Comment s’en décoller ? Surtout : comment faire un pas de côté à l’intérieur même de cette réalité terrible, pour qu’elle arrête d’être une étouffante excuse pour ne plus penser l’urgence d’avenir. Parce qu’il s’agit bien d’urgence pour beaucoup, une urgence galopante, terrible, meurtrière. Sortir la tête de la matsav pour penser le présent proche, arrêter de subir les « coups » médiatiques forcenés et ronflants, mettre à nu les mensonges pour pouvoir penser, enfin, de quoi il est question quand il est question de TERRITOIRES, de GUERRE et de PAIX.

Je me réjouis de voir que la France, malgré sa situation, dans sa situation, avec sa situation, fonce dans les contradictions, s’en repaît, s’en délecte.

Est-ce que ça va péter ? Je constate que cela n’a pas pété au premier jour du mois de Mai, ni au deuxième. Je constate pourtant que les luttes continuent… et ne faiblissent pas.

Qu’il serait bon d’importer cette guerre en Israël/ Palestine… ! cette guerre, la seule qui vaille la peine d’être menée !

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