Ça n’en finit pas. Cela finira bien par se terminer, mais pour l’instant ça ne finit pas.
Et quand ça se terminera, quand on finira par arriver à un accord qui fera cesser le feu, on froncera les sourcils… on dira tout bas ou tout haut que peut-être ce n’était pas nécessaire, tout ça…
On se demandera si tous ces morts on « servi » à quelque chose.
Et la réponse viendra : non, non et non.
A quoi ça pourrait servir ?
Cette soldate de la radio militaire qui affirmait ce matin que « les habitants de Gaza sont las de la guerre et en veulent beaucoup au Hamas… ils savent sans doute que tout ça est la faute de l’organisation terroriste » pense-t-elle vraiment que c’est avec des bombes qu’on fait avancer les idées ?
Les questions qu’on se pose dans la rue c’est :
tu as vu/ lu les nouvelles ?
ton mari/ ami/ voisin est appelé ?
tu manifestes ce soir ? demain ?
Il y a quelques jours de cela, Nadav et moi avons téléphoné à Myriam pour l’inviter au cortège de protestation contre la guerre… Myriam ne voulait pas… On pensait que c’est parce qu’elle est à son huitième mois de grossesse, mais en fait c’était son mari qui ne voulait pas y aller. Et puisqu’il ne voulait pas y aller avec elle, elle a décidé de rester avec lui à la maison.
Pourquoi Daniel, le mari de Myriam, ne veut-il pas manifester ?
Daniel n’est pas contre la guerre… il pense que la riposte est nécessaire… oui, démesurée, mais nécessaire sans aucun doute.
On a argumenté un peu avec lui, on lui a dit que, oui, il faut défendre les frontières du pays, mais pas comme ça… Il nous a répondu que le Hamas exagère, qu’il faut leur montrer... aucun de nos arguments ne l’a fait bouger, rien n’y a fait…
On est allé à la manifestation sans eux, très déçu de notre ami, fâché même.
On s’est promis qu’on parlerait avec lui.
Avant-hier, Daniel a été appelé par son unité d’artillerie.
Myriam est dans tous ses états, paniquée.
Elle me dit : il y a des morts, tu sais.
Je sais.
Je lui dit de ne pas s’inquiéter, que son mari ne partira pas à la guerre, qu’on ne le laissera pas… qu’il refusera.
Non… elle me dit qu’il ne veut absolument pas aller en prison… il est décidé à partir s’il ne trouve pas d’excuse valable…
Myriam décide de faire jouer sa grossesse. Elle téléphone à son médecin, lui demande de faire une lettre disant que sa grossesse est surveillée et que Daniel ne peut pas la laisser seule sans risques pour l’enfant. Le médecin refuse, après moult tergiversations.
C’est là où Daniel se souvient qu’il a été opéré du genou il y a deux ans de cela… Son médecin accepte de lui faire une lettre pour l’exempter.
Daniel et Myriam sont descendus à la base de Daniel au Sud du pays, pour apporter la lettre en main propre. Entre son mauvais genou et le ventre très très rond de Myriam, ils ont réussi à convaincre les autorités militaires que Daniel n’était pas apte au service.
Daniel ne partira pas à Gaza.
Alors que je suis ravie, rassurée et contente pour nos amis, Nadav est furieux.
Il en veut à Daniel de ne pas avoir fait de choix : Nadav pense que s’il est pour la guerre, il n’a qu'à la faire, et s’il est contre, il n’a qu’à le dire haut et fort, assumer sa décision, en payer le prix… c’est à dire être jugé par un tribunal militaire et passer quelque temps en prison.
Cet entre-deux déçoit Nadav au-delà de tout.
Nadav fait son service de réserve parce qu’il refuse que ce soient toujours les mêmes qui se battent pour le pays. Toujours les mêmes, c’est-à-dire les pauvres, les défavorisés, les minorités qui veulent profiter de l’illusion d’ascenseur social que l’armée promet…
Nadav va à l’armée pour qu’il y ait aussi des hommes Ashkénazes de gauche issus de milieu privilégiés qui défendent le pays. Il est beaucoup critiqué par certains de nos amis qui ne comprennent absolument pas sa démarche, estimant qu’on ne peut pas servir dans une armée d’occupation un point c’est tout.
Nadav a signé la pétition de ceux qui refusent d’aller en territoires occupés.
Mais Nadav continue de passer trois semaines par an en uniforme, parce qu’il sait que s’il ne le fait pas quelqu’un d’autre devra le faire à sa place. Et surtout parce que il sait ainsi que s’il refuse de participer à une opération comme celle qui a lieu en ce moment à Gaza, il aura toute la légitimité pour le faire puisque son refus se fera dans le cadre de ses droits et de ses devoirs de citoyen.
La triste vérité c’est que dans le consensus médiatique, même les refus sont étouffés…
Saviez-vous que 3 soldats de l’armée israélienne ont refusé de servir la guerre qu’Israël mène en ce moment à Gaza ?
Nous non plus, on ne savait pas…
et sans les listes couriel anarchistes et gauchistes auxquelles nous sommes abonnés, on n’en aurait jamais rien su…
trois… c’est un début
On a suivi un drôle de débat sur un forum anarchiste à la suite d’un appel à une manifestation du mouvement « Courage de Refuser » qui organise une grande parade demain soir.
Les membres de « Courage de Refuser » appelaient les « anars » et les « rouges » à venir protester contre la guerre avec eux et à se joindre à eux pour demander aux soldats d’Israël de refuser de participer à cette guerre injuste. Mais, ils demandaient par la même occasion, de laisser à la maison slogans violents et drapeaux rouge et noirs, de manière à permettre à un maximum de gens d’entendre leur cause et peut-être même de la rejoindre dans le refus. Les refuzniks, comme on les appelle ici, soutiennent que leur manifestation est une manifestation patriotique, une manifestation qui célèbre un autre Israël, juste et pacifiste.
Certains anars étaient très vexés de la demande et se sont déchaînés sur le forum internet, insultant les ex-soldats, leur patriotisme putride et leur drapeaux moches.
D’autres ont promis qu’ils mettraient leurs différences de côtés, aux vues de la situation… et qu’ils seraient de la manifestation demain.
Discipline ! Il faut qu’on se discipline ! Tous contre la guerre ! je ne veux pas voir une seule tête qui dépasse !
autorisation de débattre dans les rangs, mais tous ensemble
pour une fois…
pourquoi laisser aux autres le privilège de la cohésion ?