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Billet de blog 9 novembre 2008

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En souvenir d'Ytzhak Rabin

Il y a treize ans, le 4 novembre 1995, mourait Itzhak Rabin, alors premier ministre. L'assassinat de Rabin fut un meurtre politique, il est mort à cause de la politique qu'il défendait.

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Il y a treize ans, le 4 novembre 1995, mourait Itzhak Rabin, alors premier ministre. L'assassinat de Rabin fut un meurtre politique, il est mort à cause de la politique qu'il défendait. Chaque année de puis sa mort, sur la place des Rois d'Israël rebaptisée place Rabin, la gauche israélienne se retrouve pour se souvenir de son dernier grand leader et honorer cet homme qui est mort pour avoir pensé la paix jusqu'au bout.

La place Rabin est à exactement cinq minutes à pied de chez moi et depuis ce midi, impossible de ne pas savoir ce qui s'y prépare: l'intégralité des unités de police du pays assiègent mon quartier, des hommes et des femmes en bleu en noir en gris bouclent un large périmètre autour de Kikar Rabin, la Place Rabin, en préparation pour la manifestation. Je me demande s'ils pensent qu'il y aura une nouvelle tentative d'assassinat: après tout des appels aux meurtres des membres de Shalom Archav (avec une récompense à hauteur d'un million de shekels, ce qui n'est pas peu de chose) ont été retrouvés autour de la maison du professeur Sternhell qui a faillit mourir dans la dernière tentative d'assassinat politique en date. Mais non... il paraît que c'est comme ça chaque année, me dit Nadav qui n'est pas là et à qui je fais écouter par téléphone le bourdonnement des hélicoptères qui survolent la maison à intervalles réguliers.

Tu y vas, toi? Si t'y vas j'y vais... C'est toujours la même chose... Et c'est toujours un peu nul... Oui, mais cette année c'est important. Pourquoi cette année? A cause de Sternhell. A cause de Livni. A cause de Obama... Si t'y vas j'y vais. On y va? Allez...

La manifestation de commémoration de Rabin a tout de l'événement social: on y croise des vieilles têtes, des amis de la famille, des parents éloignés, des voisins.

Ma voisine par exemple, Gali... Je la présente à la cousine de Nadav, Anat, qui à peine les présentations faites se lance dans une diatribe contre cette saloperie de cérémonie à la con. La voisine ne comprend pas, demande des explications... après tout c'est un événement où tout le monde se retrouve, c'est quoi son problème à ta cousine? Anat se marre, enragée, pointe un doigt accusateur vers la scène sur laquelle se succèdent Barak (Ehud, ministre de la Défense), Livni (Tzipi, celle qui aurait pu être première ministre mais qui restera la tête de Kadima-dans-l'opposition à ce qu'il paraît des pronostics pour les prochaines élections) et consorts... Anat se plaint que l'événement est tout sauf politique. Gali, au contraire, en félicite les organisateurs: c'est bien, que ce soit pour tout le monde... qu'est ce que tu voudrais, que ce soit la fête de la gauche seulement? tout le monde a souffert quand il est mort, il n'y a pas de raison que ce soit récupéré par un groupe politique plus qu'un autre. Anat s'efforce de lui expliquer que si on retire le sens politique au meurtre de Rabin tout ce qu'il reste c'est des chansons vides de sens. Ma voisine insiste qu'elle aime les chansons et qu'elle aime chanter avec d'autres gens qui pense comme elle. Mais tu penses quoi, si tes pensées ne sont pas politiques? Parce que toutes les pensées sont politiques, peut-être, pff...

Malheureusement pour Anat (et pour nous tous), c'est Gali qui a gagné. Pas une once de politique à l'horizon. Enfin... ça veut dire quoi, au fond, politique? Et pourquoi, ou plutôt depuis quand est ce que c'est devenu un gros mot?

Livni, pour qui j'étais prête à voter il y a encore de ça quelques heures, fait un discours d'une mollesse inouïe sur le thème nous sommes tous frères et je veux parler de notre Israël à nous tous... ce qui serait une excellente idée, mais elle insiste à deux reprise sur l'état Juif et démocratique... ce qui est un oxymore tellement gros que si elle ne s'en rend pas compte il n'y a rien à en tirer.

Barak ose un peu en parlant des extrémistes comme un « cancer qui nous ronge ». Bien. Mais dire ça et rien c'est la même chose. D'ailleurs, si ce genre de formules font des beaux titres de journaux, elles ne gagnent pas les faveurs de la foule qui préfère OUI A LA PAIX ou YES WE CAN que James Hoffa, en visite des Etat-Unis nous invite à scander plusieurs fois après avoir annoncé que Barack Obama était une garantie pour un Israël sûr et fort et un Iran sans la bombe atomique.

Est-ce que je suis la seule (avec Anat qui, dégoûtée me supplie qu'on aille noyer notre mélancolie dans une bière) à entendre des slogans vide creux et mous et morts dans ces discours d'une neutralité incisive, tous si parfaitement a-politiques...?

Si la politique est quelque chose qui inspire, qui fait vibrer, qui fait penser, qui fait vivre...

Si la politique est la base de ce qui nous fait nous retrouver ensemble, le contraire de l'aliénation.

O-BA-MA, tes mots remplis de sens et de politique et de vie et d'inspiration nous manquent horriblement ici.

Ici, les interludes musicaux se succèdent. Ma voisine, et d'ailleurs la place entière, chante: la chanson de la paix, la chanson de l'amitié, la chanson de Rabin, la chanson du Pays (en fait celle-là je ne sais pas comment elle s'appelle mais le refrain c'est: de pays je n'en ai pas d'autre). C'est émouvant, oui. Bien sûr que c'est émouvant.

Je me souviens d'une fille que j'avais rencontré qui aimait raconter qu'elle pleure toujours devant les publicité à la télévision.

Et puis, enfin: Hatikva... l'hymne national... Nous n'avons pas encore perdu notre espoir.

Tu parles.

Moi, ce soir je suis désespérée.

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