Aujourd'hui j'ai accompli mon premier acte en tant que citoyenne israélienne... J'ai voté aux élections municipales.
Je suis allée à l'école au bout de ma rue, transformée en bureau électoral pour l'occasion, j'ai donné ma carte nationale d'identité israélienne et mon numéro d'électeur, j'ai reçu deux enveloppes et plusieurs options, je me suis isolée derrière un rideau bleu sous le regard de Hertzl et de plusieurs enfants souriants en uniforme de scouts. J'ai mis mon choix dans chacune des enveloppes en faisant attention de ne pas me tromper... J'avais vu à la télévision un clip animé qui expliquait avec grande précision (en Hébreu sous-titré Arabe) comment voter (ne pas mettre DEUX papiers au lieu d'un, le vote ne compterait pas, ne pas se tromper dans les couleurs, le vote ne compterait pas...)
J'ai voté pour la coalition UNE VILLE POUR TOUS, et pour que DOV HANIN soit notre maire. Il a très peu de chance de remplacer le maire sortant (centre gauche) mais sa campagne (que beaucoup on comparé à celle de Obama, à mon humble avis sans aucun sens des proportions) a été un énorme succès: il a mobilisé les jeunes et les moins jeunes avec un programme écologique et social très alléchant...
Je mets mes enveloppes dans l'urne en carton bleue et blanche sous le regard indifférent de trois assesseurs. Euh... vous dites rien? Quoi...tu voudrais qu'on te félicite? Ben, en France il disent: a voté! Ici on se tait... Bon.
Je ressort et pendant que je m'embrouille les méninges avec mon cadenas à vélo, un jeune homme me saute dessus, pensant probablement que je n'ai pas encore voté. As-tu déjà fait ton choix, parce que jgfzuigrgrohgrzufgfuhoo??
Euh, pardon.. je n'ai pas compris... Il me tend un papier. Je m'excuse en disant que je ne peux pas le lire mais, je lui dis: j'ai déjà voté pour Irleculanu (une ville pour tous)... s'ensuit ce qui me semble bien être une série de remontrances, admonestées d'un ton écoeuré par mon interlocuteur. Et auxquelles à ma grande honte, je n'arrive pas à répondre grand chose d'autre que : he is good for the city, good for Tel-Aviv...!
Et là, je me dis que, quand même, c'est bizarre que quelqu'un qui ne comprends pas encore vraiment la langue, qui ne peut pas vraiment lire les programmes des candidats, qui ne peux pas argumenter de son choix dans la langue commune puisse choisir qui sera le maire de sa ville, le premier ministre de son pays, son gouvernement...
C'est à dire: je pense que n'importe quel habitant d'un pays doit pouvoir voter, surtout aux élections locales comme celles-ci... C'est d'ailleurs le témoignage d'un véritable démocratie: tu participes à la vie de la communauté, alors vote! Mais le fait que j'ai pu le faire avec si peu de maîtrise sur mon environnement pose quelques questions, non?
Parce que le danger est clair, sinon... sinon, Israël est bien plus le pays des Juifs que celui des Israéliens, puisqu'il suffit de prouver qu'on est Juif ou Juive pour se faire entendre.
Une chose, par contre: un résident permanent peut voter dans les élections locales, un pas qui reste encore à être franchi dans beaucoup d'autres pays... C'est à dire que dans cette élection ont voté des réfugiés du Darfour et des ouvriers étrangers (qui sont très nombreux depuis la fermeture des frontières entre Israël et la Palestine). Par contre, quand dans moins de trois mois il faudra élire le premier ministre (ou la première ministre) seul voteront les citoyens.
Moi, donc je choisirais comme tous les autres Israéliens et Israéliennes.
Et comme tous ceux qui ont la nationalité israélienne mais habitent très loin d'Israël, comme tous ceux qui ne viennent ici que pour mettre un bulletin dans l'urne mais qui habitent ailleurs les autres 364 jours de l'année, comme ces mythologiques charters de religieux orthodoxes vêtus de noir qui habitent à New York mais viennent choisir le gouvernement d'Israël...
En vidéo, un brillant sketch de la bande Zohar/ Einstein, qui date de quelque part dans les années soixante-dix... Leur programme télé TRES subversif pour l'époque passait pendant une heure pleine sur la seule chaîne télé qui existait alors... autant dire que c'était regardé par tout le monde et que le monde, donc, se divisait en deux: ceux qui adoraient (en général les jeunes) et ceux qui haïssaient (en général les vieux)
Ce sketch montre l'arrivée de nouveaux immigrants Russes sous l'oeil dégoûté de deux Arabes, puis l'arrivée des nouveaux immigrants Polonais sous l'oeil écoeuré des Russes, l'accueil froid réservé aux Sépharades (ben ça, Vladek, on va plus pouvoir aller nul part! et l'odeur, Vladek, et le bruit...) aux Allemands (ah voui, les Proffessors, les Doktors! Yekke Putz!- une insulte qui veut dire quelque chose comme: snob de Boche, enfin, de Boche Juif, vous suivez...) aux Français (que les Allemands traitent de Marocains sans culture ni manières)... Ensuite, c'est l'arrivée des Géorgiens qui se réjouissent qu'il n'y a ni KGB ni KBT...
Les insultes fusent: assez avec cette chanson, assez! qu'est ce que vous pensez, que si vous chantez vous recevrez une télé? Il vont avoir tous les droits, tu vas voir... Nous, on a construit le pays, oui monsieur! Vous n'avez pas honte de débarquer comme ça? La honte sur vous! On est des anciens nous ici! On a souffert, oui monsieur! Où étiez vous en 1967? En 1947? et en 48? Et en 32 et en 28 et en 1914????
Les Géorgiens comprennent ce qui leur reste à faire, et prennent leur place dans la lignée des nouveaux immigrants pour crier à leur tour, en direction de la mer et des prochains arrivants: vous n'avez pas honte? où étiez-vous, vous, pendant qu'on construisait le pays, hein? hein?