Les films qu’on aime le plus sont (parfois) ceux dont on parle le moins. Des couleurs. Le beige des collines, le blanc d’un ciel vaste et terriblement bas, le gris du poste de télévision, le noir de la crosse d’une arme, le jaune d’une robe, le technicolor de Spartacus embrassant Varinia dans les blés, une chorale habillée de bleu qui chante une chanson sioniste, un feu d’artifice vert et rouge, insoutenable, et qu’on ne regarde pas.
Des sons. La musique qu’on danse, la musique qu’on entend, la musique qu’on re-écoute pour le souvenir, le bruit d’une pierre qui tombe, le bruit d’un fusil mitrailleur, un sifflotement, le silence de la résistance.
Des personnages. Des voisins. Un père, une mère. Un fils qui grandit.
On se souvient. On se remémore. On se rappelle.
Pas de pathos.
La difficulté de parler de ce film c’est qu’il réside presque entièrement sur une poésie des gestes.
Et que pour parler des gestes, on a envie de les mimer pour se remettre dans la situation.
Seulement quand on a vu ce film, on ne veut pas en parler à ceux qui ne l’ont pas vu… parce qu’on ne voudrait pas gâcher le plaisir qu’ils auraient à découvrir un geste, un autre, encore un.
Les répétitions.
Les mouvements pétrifiés dans un temps horriblement élastique, englués dans un chewing-gum spacio-temporel dont on a du mal à rire… même quand il est drôle de manière incroyable.
Les corps enserrés dans les cadres, au centre, comme pour mieux se laisser regarder. L’Histoire est là, elle s’écrit dans l’humour, qui n’est pas l’ironie. Et dans les détails. On voudrait que le film ne s’arrête pas. Parce qu’on voudrait garder la possibilité de ce pas de côté magique qu’il nous invite à pratiquer avec lui. Un pas, un geste, un saut. C’est peut-être en fait ça, la fiction véritable, la vraie fiction : une pratique active du réel jusqu’à sa transformation.