Jour numéro 18.
J’ai du mal à appeler ce qui se passe en ce moment une guerre. C’est tellement loin de ce qu’on nous a appris : deux armées, des batailles, une victoire. Il n’y aura pas de victoire, d’un côté comme de l’autre. Peut-être une propagande réussie, une image qui en jette. Mais personne ne sortira gagnant de ce bourbier.
Ido me raconte qu’il a lu un long article dans le journal Yediot Haharonot sur ce qu’est une « force de dissuasion ». Il s’interroge : tu penses, toi, qu’on peut dissuader le Hamas ? Il paraît que dans l’article était expliqué que ladite force de dissuasion marchait surtout chez les gens qui avaient des choses à perdre. Je lui demande s’il croit que les habitants de Gaza ont quoi que ce soit à perdre.
En lisant les commentaires sur mon blog et les liens vers divers articles qui parlaient de bombes sales utilisées par l’armée israélienne je suis tombée de ma chaise.
Je demande à Nadav, j’attends un démenti.
Nadav se moque gentiment, rit de la Juive de la Diaspora qui s’imagine encore, qui n’arrive pas à se départir de l’idée qu’ici, en terre promise (pour ne pas dire sainte, à dessein) les choses se passent autrement, l’armée n’est pas tout à fait l’armée, les salauds pas juste des salauds.
Je me souviens encore de ma toute première visite ici. A la une d’un journal les gros titres : un homme politique avait été inculpé pour fraude fiscale. La nouvelle m’avait choqué d’une manière incroyable : quoi, ici ?
Jabotinsky a dit que les Israéliens seront un vrai peuple comme tous les autres, le jour où il y aura en Israël une putain hébraïque et un voleur hébraïque (de Hébreu…)
S’il savait.
A propos, le Hamas aujourd’hui a tiré sa première bombe sale sur Israël… il semblerait qu’ils aient rajouté le gaz Zahran que l’armée israélienne utilise dans ses attaques sur Gaza dans l’une des roquettes lancées.
Retour à l’expéditeur.
Débats dans les colonnes people israéliennes :
Ari Folman a gagné le Golden Globe pour son magnifique Valse avec Bachir… il a dédié sa victoire aux huit enfants de la production nés pendant le long processus du film et à l'espoir qu'ils ne connaissent jamais la guerre... mais n’a pas fait seulement mention des événements à Gaza.
Oubli ? Décision consciente ? Calcul à l’approche des Oscars ? Les langues se délient, les piques fusent et la gauche israélienne toutes tendances confondues s’en donne à cœur joie.
Du côté de la chanson populaire, dans quelques mois c’est l’Eurovision… événement archi-suivi en Israël qui espère toujours rajouter un titre à son palmarès (trois victoire quand, même).
Les responsables de la sélection ont eu une idée brillante cette année : ils ont pensé faire un duo « pour la paix »… une arabe-israélienne et une juive-israélienne chantant ensemble un message d’amour, c’est sûr ça va faire un tabac ! Le problème c’est que depuis qu’elle a accepté, la chanteuse Arabe Mira Awad reçoit des lettres de protestations et de déception, la suppliant de rejeter l’offre, la taxant de collaboration avec l’ennemi occupant, rappelant au passage que celle avec qui elle partagerait la scène, Ahinoam Nini, n’a pas décrié l’opération à Gaza…
Aujourd’hui je suis allée chez le dentiste. Une heure de supplice relatif. En fond sonore: galeiTsahal, les ondes de l’armée, la radio militaire. Vous voulez faire plaisir à un soldat ? dédicacez-lui une chanson !
Bonjour, je m’appelle Naomi j’ai quatorze ans et je voulais gâter mon frère Yoav qui dort ce soir dans le Sud à la frontière en lui faisant écouter quelque chose qu’il aime bien… pour Yoav, de Naomi et papa, voici Donne moi la main, de Eli Mohar…
Notre voisin a ressorti son ENORME drapeau. Nos balcons se touchent presque, et le drapeau est la première chose qu’on voit au réveil, gigantesque, blanc et bleu.
Il nous explique : en tant que soldat, ça me fait du mal, cette guerre idiote, alors je fais ce que je peux… En tant que soldat ? (il se trouve que je sais que notre voisin est expert-comptable) Ben oui… (il fait un geste de connivence en direction de Nadav) elle a pas encore compris, hein… on est tous soldats ici ! ton mec aussi, tu sais…
Je demande au voisin s’il va être déployé. Non, lui il est dans une unité d’élite spécialisé dans les territoires. Il était au Liban il y a deux ans… Comment c’était ? Vert, c’est très vert l’été le Liban. Je repense au poème d’Adamo.
Il nous raconte ses amis de l’armée, comment ils sont tous unis, tous presque frères… c’est ça qui est bien, il m’explique, quand on part en service on a l’occasion de voir les amis.
Je lui demande s’il est déçu de ne pas être appelé. Non, non, il fait trop froid… il rigole. Et puis dans trois semaine il a 24 jours de réserve, alors…
Pourquoi elle est idiote, cette guerre ? Parce que ça changera rien, ils vont juste nous détester plus.
Toujours à la radio militaire, un journaliste raconte une histoire qui me fait penser à mon voisin et sa bande de copains de l’armée que j’ai déjà dû entrapercevoir plus d’une fois sur le balcon d’en face…
La fille d’un soldat d’une unité d’élite a été diagnostiquée d’une leucémie. Les membres de l’unité ont décidé de faire un tour du pays pour récolter des dons de sang pour son groupe particulièrement rare, afin de l’aider dans sa lutte contre la maladie. La guerre a interrompu leur geste généreux. Ils témoignent à la radio pour que les citoyens continuent de se mobiliser pendant qu’ils iront combattre l’ennemi à Gaza.
Commentaire de Nadav : ils sont magnifiques, ces hommes… d’une générosité sans limites quand il s’agit de l’uns des leurs… mais font-ils seulement le lien entre cette enfant leucémique et les petits blessés de Gaza ? et les morts ? et si non, pourquoi ?