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Billet de blog 21 janvier 2009

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Continuons le début

Nous n’avons pas de télévision… Je suis allée écouter et voir Barak Hussein Obama entrer à la Maison Blanche dans le seul endroit où je vois la télé : ma salle de sport. La salle était bondée, et pas seulement parce que tout le monde voulait voir Obama, sept heure c’est l’heure de pointe.

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Nous n’avons pas de télévision…

Je suis allée écouter et voir Barak Hussein Obama entrer à la Maison Blanche dans le seul endroit où je vois la télé : ma salle de sport.

La salle était bondée, et pas seulement parce que tout le monde voulait voir Obama, sept heure c’est l’heure de pointe.

Le premier président noir des Etats-Unis a juré fidélité à la Constitution alors que le monsieur religieux à côté de moi finissait son sprint.

J’avais la gorge nouée.

Je me suis souvenue du 1er Janvier 2003, à Rio de Janeiro dans l’appartement de mes grands-parents. Avec eux, assise à côté de mon père, on regarde la télévision. Je ne comprends pas tout à fait l’importance du moment… mais voilà : Lula est à Brasilia.

Un ouvrier métalo est président du Brésil. Un dirigeant syndicaliste a gagné les élections.

Mon père pleure de joie, serre ma main.

Il dit quelque chose comme : la boucle est bouclée.

La dictature est derrière nous. Le pays danse. Je comprends, je crois.

J’ai eu un peu la même impression hier, seule au milieu de tous ces gens qui couraient en regardant les écrans, qui écoutaient en même temps que moi les paroles du 44ème président des USA et sa traduction simultanée par la speakerine de la dixième chaîne.

La boucle est bouclée, l’esclavage est derrière nous.

Dans moins d’un mois il y a des élections dans mon nouveau pays et j’ai peur de leur résultat.

Si les sondages sont bons, et ils sont très forts en sondage ici, le prochain gouvernement israélien pourrait être encore bien pire que celui qui a amené ruines et destructions à Gaza.

Je ne sais pas quoi faire.

A part distribuer des tracts pour Hadash et me faire crier dessus en gardant le sourire, à part argumenter avec les passants qu’il y a d’autres options… si, si, il y a d’autres options…

Je ne sais pas quoi faire.

C’est pourtant moi qui disais il y a quelques temps à mon amie Lara que ce pays on pouvait encore le changer, que c’était pour ça qu’il ne fallait pas partir…

C’était à la dernière manifestation contre la guerre, samedi. Lara m’avouait sa lassitude: ich bin so müde, fatiguée. Elle disait qu’elle voulait rentrer chez elle que ce n’était pas possible comme ça, qu’on ne pouvait pas élever des enfants ici, qu’on ne pouvait pas respirer ici, qu’on était complices, ici.

Et je lui ai dit que non, non… au moins d’ici on peut faire changer les choses ! si, si, il y a d’autres options ! Rentrer en France ou en Allemagne… pff, facile.

Ici, il faut se battre, mais si on se bat suffisamment, le pays est jeune alors

TOUT EST POSSIBLE.

J’y ai cru.

Il y a des fois comme ça où l’on arrive à se convaincre et à convaincre le reste du monde avec nous. Je devrais téléphoner à Lara, peut-être qu’elle pourra me remonter le moral.

Au lieu, je téléphone à Yoav, mon ami qui travaille pour Btselemn une organisation israélienne qui lutte pour la défense des droits humain dans les territoires.

Mauvais choix, tactiquement parlant.

Yoav est ravi de me voir, mais au bout de 10 minutes sur sa vie amoureuse, lui-même se lance dans la liste de ses tristesses, de ses cauchemars.

On est bien, tous les deux, avec nos angoisses… on est réduit à se refiler la patate chaude : tu comprends ? oui, oui…

Qu’est ce qu’on fait ?

Juste avant que la guerre éclate, Yoav m’avait parlé de son rêve : mettre en place dans Gaza quelque chose qui ressemblerait au programme « Shooting Back » que Btselem a installé dans les territoires… Des caméras vidéos que des enfants, des ados ou des adultes puissent utiliser pour filmer leur quotidien. Nous avions travaillé sur la proposition à déposer aux financiers, on avait ébauché une liste de contacts sur place, des cinéastes qui auraient pu faire des ponts entre l’association et les futurs filmeurs.

Yoav avait réussit à trouver de l’argent…

Yoav me dit qu’il voudrait qu’on écrive un « manuel » de conseils pour les cinéastes qu’on va former à distance… Quelque chose qui soit un guide pour eux quand ils sortent dans les rues, caméras au poing. J’aime l’idée : essayer de formuler un cadre pour quelqu’un qui filme son quotidien, quotidien qu’on a soi-même du mal a imaginer.

Rendez-vous vendredi pour notre première séance.

On se met d’accord en se quittant : en ce moment, il vaut mieux pas trop s’arrêter, hein…

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