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Billet de blog 23 décembre 2008

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J’ecris d’un clavier sans accents, aidee par un ordinateur intelligent…

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J’ecris d’un clavier sans accents, aidee par un ordinateur intelligent…

Mon grand-père brésilien est mort et mon père et moi sommes partis en catastrophe pour Rio de Janeiro, être avec la famille.

On a raté l’enterrement: pas le temps d’arriver à temps, pas d’avion.

Ma petite Juive ! ma grand-mère est très émue… Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vu toutes les deux.

Pour faire passer le temps (et la tristesse…) Mon cousin et moi comparons les rites funèbres… Je raconte la shiva, cette coutume qui veut qu’après la mort, les portes de la maison du défunt soient ouvertes sept jours durant : la famille les amis, les collègues viennent et poussent la porte sans sonner pour apporter leurs condoléances… et de la nourriture.

J’adore cette idée. On n’est pas seul, on est entouré. On mange…

Le film de Ronit et Schlomi Elkabetz, les Sept Jours, montre ça très bien… l’entassement de la famille la catharsis.

Ma grand-mère me dit : tu vois, tu avais dit que personne ne fêtait Noël en terre sainte… ton grand-père est mort pour que tu puisses le fêter, tu peux être Juive tout ce que tu veux, n’oublie jamais d’où tu viens, que notre sainte Patronne des Larmes te bénisse, ma fille.

Je n’oublie pas.

Je vais avec mon père dans le cimetière de banlieue ou vovo (grand-père) est enterré. Un croque-mort pied nus nous aide à trouver la tombe en constatant avec humour : rien ne ressemble plus à une tombe qu’une autre tombe…

Sans savoir trop quoi faire ou dire, je m’excuse silencieusement auprès du vieux de mon manque absolu de rigueur religieuse. Et dépose un caillou sur sa tombe, coutume Juive, témoin du passage, de la visite rendue au mort.

Mon grand-père est mort.

On discute de la réincarnation avec mon petit cousin qui a des prétentions bouddhistes. Ma grand-mère nous interrompt pour nous rappeler à l’ordre : vovo ne sera pas un cheval (même s’il aimait les chevaux plus que tout), votre grand-père est au ciel, avec Notre Seigneur.

On a été hier à la messe du septième jour. Parce que c’est au septième jour que la réincarnation a lieu, si j’ai bien compris. Je souligne la correspondance entre les sept jours de la shiva et les sept jours entre la mort et la réincarnation… Je rappelle à la cantonade que Jésus était Juif, quand même.

Pas drôle,

Bon... C’est drôle comment (par mimétisme inverse ou quelque chose comme ça) j’assume le rôle de « la Juive », quand je suis ici.

Moi qui… enfin passons.

Ça faisait tellement longtemps que je n’allais pas a l’église…

Ma tante s’était occupée de tout : c’était compliqué… les églises sont très pleines avant Noël. On est allé tout en haut d’une montagne dans le vieux quartier de la Gloria, une toute petite église très ancienne, avec saints en stuc et autel en bois. L’interdit de représentation biblique fait que les lieux de cultes Juifs sont austères au possible. En comparaison, cette église devient presque païenne, magnifiquement débordante de santons et de décorations somptueuses en cette période de fête.

La messe commence.

Je fixe les visages de Marie et du petit Jésus qui me renvoient quelque chose entre une tranquillité absolue et un vide abyssal. Et qui ne bougeront pas d’un pouce pendant toute la messe. Pas un sourire, pas un signe, rien.

Le prêtre, un ami de la famille qui a insiste pour me dire qu’il avait des très bon amis Juifs (et a donc immédiatement eu toute ma méfiance), ne raconte rien de la mort, ne parle que de résurrection.

On a pas le droit d’être triste, il faut se réjouir coûte que coûte de ce que mon grand-père chéri n’est plus avec nous puisqu’il est mieux ailleurs.

Je pleure quand même. Et je ne suis pas la seule.

En sortant de l’église, mon père, avec une rage froide, me raconte que le prêtre a soutenu la dictature militaire dans les annes 70, argumentant en faveur de la torture et la répression contre les militants de gauche (dont mon père faisait partie) pour sauver l’ordre public. J’avais raison de me méfier.

On rentre a la maison… manger. Comme quoi il y a des points communs entre les deux religions.

Pendant le déjeuner ou ma grand-mère boit beaucoup sous les protestations de ses sœurs et avec la complicité de ses petits-enfants, mon oncle me pose des questions sur Israël, qu’il connaît un peu pour y avoir fait plusieurs reportages…

Ma tante souligne que le Brésil a sa Palestine : les favelas. Mon cousin nous raconte en rigolant qu’il y a une « communauté » (nom politiquement correct pour une favela) qui s’est auto-proclamee La Bande de Gaza...

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