Naruna Kaplan de Macedo (avatar)

Naruna Kaplan de Macedo

Abonné·e de Mediapart

185 Billets

0 Édition

Billet de blog 26 février 2009

Naruna Kaplan de Macedo (avatar)

Naruna Kaplan de Macedo

Abonné·e de Mediapart

De la même manière

Pour les papiers de Nadav, encore eux, nous sommes venus à Paris pour honorer un rendez-vous à la Préfecture de police. 

Naruna Kaplan de Macedo (avatar)

Naruna Kaplan de Macedo

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour les papiers de Nadav, encore eux, nous sommes venus à Paris pour honorer un rendez-vous à la Préfecture de police.

C’est mal rempli, votre fiche.

Mais dites-moi, vous êtes mariés-mariés ?

Naruna…

Vous êtes Française-Française ?

… oui, je vois… mais d’origine comment dire, israélite… quand même, c’est ça ?

ça doit être plus simple pour vous là-bas que pour lui ici alors, non ?

Si elle savait.

Force est de constater que je n’ai qu’une envie : rentrer.

Une fois la nostalgie comblée, les manques (un peu) assouvis (parents, amis, cinéma)

Je suis terrifiée de me rendre compte que d’ici je perds mes mots.

Quand j’écris Depuis Tel-Aviv, quand je « parle » de là-bas, je pense et je dis dans le même mouvement. D’un coup, ici c’est à dire ailleurs, je me reprends dans ce que je dis, je mesure autrement plus mes mots, je me laisse inquiéter de leurs résonances, de leurs possibles interprétations ou échos chez mes interlocuteurs.

C’était déjà un peu le cas pendant la guerre, quand j’y pense.

Naturellement, quand je pensais ASSASSIN j’écrivais ILS TUENT

Naturellement ? oui… cela se faisait dans les phrases presque sans moi.

Parce que je sentais d’autant plus d’un coup le poids de chaque mot de chaque détour de phrase.

Ce n’est pas une responsabilité, c’est une manière de partager le lieu, de donner à voir ou essayer de penser l’endroit vécu tel que je le vis.

Il est obligatoire de se méfier des clichés. Les clichés c’est le racisme, l’enfermé.

Je ne veux pas conforter qui que ce soit dans l’idée qu’il ou elle se fait de cet endroit où je vis d’où je viens maintenant.

Parce que c’est bien ça, d’un coup je suis Israël, j’incarne chez les gens que je rencontre TOUT le pays. Je me retiens pour ne pas juste réagir à ce qui se dit: quand on défend, j’attaque, quand on attaque, je tempère.

J’ai déjà remarqué que les Israéliens aiment se prêter à ce jeu dit « de la Sohnut (agence Juive) de gauche », qui consiste à dire oui-mais à tout ce qu’on vous dit… rappelant que Tshahal est une armée puissante et surarmée oui-mais la meilleure du monde la plus humaine bien sûr… pour souligner dans la foulée qu’Israël a bien le droit de se défendre contre l’Iran oui-mais n’a pas signé le traité de non-prolifération des armes nucléaires…

Je ne veux pas tomber dans ce jeu car c’est un jeu.

Je veux juste réussir à penser et parler sur Israël de la même manière en Israël et en France et je sens que je n'y arrive pas. Et ça me désole.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.