La campagne électorale a officiellement commencé. Trois fois par jour et à heures fixes, on peut voir à la télévision TOUS les spots publicitaires de TOUS les partis politiques qui souhaitent briguer une place au parlement.
Le spot de campagne en lien vidéo n’est PAS une blague, il est diffusé en prime time avec les autres. C’est spot du parti Aleyarok, né de la scission du premier parti israélien pour la légalisation du cannabis et de l’alliance du courant rebelle avec le parti pour les droits des survivants de l’Holocauste. Leurs points communs ? Les persécutions des deux groupes se rejoignent, selon eux. La triste vérité est que les survivants de la Shoah ont très souvent été mis à l’écart en Israël, beaucoup d’entre eux peinent à se faire entendre et on peut imaginer qu’il y avait ici une tentative louable de créer un pont avec la jeunesse trop souvent indifférente. Le résultat ubuesque est sous-titré en Anglais. Quand à savoir s’il faut en rire ou en pleurer…
Le parti issu du premier schisme a lui-même fait scandale avec un spot de campagne où l’on voit le leader du parti fumer un énorme joint sur la tombe de Ben Gurion, en annonçant sa politique économique : faire pousser en Israël du cannabis de qualité dont les profits pourront être injectés dans l’économie locale. Quant au hashish qui restera au Hezbollah ? si les terroristes le fument, ils seront plus tranquilles… ça c’est pour la politique de sécurité.
Il faut à un parti un minimum de 80,000 voix pour avoir le minimum de deux sièges pour être présent à la Knesset.
Depuis maintenant quinze jours des « houg baits » s’organisent dans divers appartements de la ville : des réunions informelles d’une vingtaine à une cinquantaine de personnes, tous venus entendre les arguments d’un membre ou d’un représentant d’un parti ou d’un autre.
Une de mes copines est allée écouter Amos Oz parler de l’importance de voter Meretz, un ami à fait un meeting des verts chez lui. Nadav et moi sommes allés à un « houg bait » du parti Daam, chez un couple d’amis. « Daam » est un parti Arabe-Israélien, dont la numéro un est Hasma Hakbaria Zahalka, une Arabe-Israélienne de Jaffa. Hasma Hakbaria Zahalka est très impressionnante, elle parle de chacun des sujets qui nous touchent avec lucidité, précision, enthousiasme. Elle nous raconte le combat de Daam sur le terrain, nous donne des chiffres pour nous parler de l’amélioration des conditions de vie des femmes et des hommes qui ont directement bénéficié des politiques mises en place par le parti sur le terrain.
Beaucoup des choses dont elle parle résonnent comme un écho des thèmes du parti Hadash. Pourtant Hasma Hakbaria Zahalka est très dure quand elle parle d’eux, comme si c’était eux les vrais ennemis àabattre. Elle insiste : le seul vrai parti socialiste Juif-Arabe, c’est le sien.
Mais quand on lui demande combien de voix elle a récolté aux dernières élections, même elle sourit : trois mille deux cent. C’est à dire que, quoi qu’il arrive et même si tous les gens présents dans le salon du « houg bait », leur famille, leurs amiset quelque uns des amis des amis votent pour Daam… le parti n’a aucune chance d’obtenir une position à la Knesset.
S’ensuit un débat duquel nous ne nous sommes toujours pas extirpés : le vote utile, à quoi ça sert ?
C’est à dire : voter pour un parti qu’on sait avoir peu de chance d’être élu mais auquel on croit, c’est très bien…
Mais ces élections qui approchent sont importantes.
Mais, mais, mais le voilà bien le problème : il n’y a pas en Israël d’élections qui ne soit pas capitales, décisives, urgentes.
Et cette urgence endort, limite. Elle créé des œillères d’inquiétude.
Il faut donc essayer de s’en extirper, urgemment.
Ce qui risque de se passer le mois prochain, ce qui nous pend au nez (selon les sondages qui visent en général juste) c’est Nethanyahu comme premier ministre et Lieberman en numéro deux…
Alors ?
Alors quand on pense que chaque vote jeté aux orties ou aux pro-cannabis ou à la merveilleuse Hasma de Daam sera en fait un vote pour le Likoud, qu’est ce qu’on fait ?
On vote selon son cœur, pour garder sa conscience claire et se dire qu’on a fait le bon choix ?
On vote au centre ? pour l’un des trois grands partis qui ont fait la pluie et le beau temps de la politique israélienne dans les dernières années et qui se sont lentement laissés grignoter par Lieberman et les extrémistes, avec qui ils vont être obligés de négocier.
Ou on vote pour un petit parti (comme Hadash) qui sera au parlement… et qui pourrait briguer un ou (merveille) deux mandats de plus grâce à son vote… mais qui sera de toute façon dans l’opposition ? Pour beaucoup, ces marges sont insoutenables, elles équivalent à un vote nul ou blanc, à une défection.
La discussion continue, et on ne s’en sort pas :
comment peut-on vraiment influencer la politique ?est-ce que le vote est efficace ? vraiment ? est-ce qu’un vote
Je suis très inquiète.
D’abord parce que je pense que si Gideon Levy, un homme intelligent que je respecte immensément, se met lui même dans le rôle du fou du roi, du pitre comique en passe de se faire humilier par tous pour une mini/ micro chance que trois personnes entendent une goutte de ce qu’il a à dire ; c’est qu’il doit être vraiment totalement au désespoir.
Et que si c’est le cas, peut-être que le monde va encore plus mal que je le pense… après tout il est journaliste, il sait peut-être des choses que je ne sais pas.