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Enseignant, syndicaliste FSU, professeur de l’enseignement professionnel (PLP).

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Billet de blog 9 janvier 2025

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Primes aux employeurs : la réforme de l’apprentissage face à ses contradictions !

Le gouvernement annonce, fin 2024, que l’aide aux employeurs d’apprentis sera d’un montant de 5 000 euros pour l’embauche d’un apprenti pour les entreprises de moins de 250 salariés et de 2 000 euros pour les autres entreprises. Une décision qui tombe avant même le discours de politique générale du premier ministre et sans donner la parole aux représentants du peuple et aux partenaires sociaux.

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Une arnaque à 25 milliards d'euros, c’est la conclusion qu’on peut tirer de l’étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), menée par le chercheur Bruno Coquet. Souvent vantée par Emmanuel Macron, l’apprentissage a surtout permis, depuis 2018, d'arroser les entreprises d'argent public sans aucune contrepartie. Un premier exemple : l’aide aux employeurs d’apprentis. 

Cette aide exceptionnelle, mise en place en 2020 dans le cadre du plan de relance post-Covid, s'élevait à 6 000 euros depuis 2023 pour la seule première année complète de formation (contre initialement 5 000 pour les apprentis mineurs et 8 000 euros pour les majeurs). Elle était éligible aux entreprises de toutes tailles qui embauchaient un apprenti jusqu’au niveau 7 inclus (Bac+5). Elle avait été prolongée jusqu’à la fin de l’année 2024. Le problème de son existence restait donc posé à partir du premier janvier 2025.

Avant d’y revenir, notons qu’il s’agissait déjà d’une "dérogation temporaire" au montant de l’aide unique aux employeurs d’apprentis, instaurée par la loi du 5 septembre 2018. En effet, cette loi prévoyait le versement de 4 125 euros la première année, 2000 la deuxième et 1200 au-delà le cas échéant, mais uniquement pour les entreprises de moins de 250 salariés embauchant un jeune préparant un diplôme de niveau inférieur ou égal au bac (bac +2 pour les départements et régions d'Outre-mer).

Mais comme la “dérogation temporaire” est devenue rapidement un moyen pour gonfler le nombre d’apprentis, sans tenir compte des dérapages pédagogiques et financiers que cela allait générer, le système a perduré. Le gouvernement d’Élisabeth Borne a fait mine de réagir en confiant à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) une revue de dépenses portant sur les dispositifs de formation professionnelle et d’apprentissage relevant des financements de l’État. 

Les auteurs du rapport ont été très clairs : « Le soutien public à l’apprentissage dans l’enseignement supérieur apparaît disproportionné au regard de sa plus-value sur l’insertion dans l’emploi, certes positive mais décroissante avec le niveau de qualification. ». Puis ils proposent de « Mettre fin à l’aide à l’embauche pour les employeurs d’apprentis de niveaux 6 et 7 d’entreprises de 250 salariés et plus, en la conservant pour tous les niveaux de diplômes pour les entreprises de moins de 250 salariés ». Le même rapport précisait que le versement de ces primes à l’embauche, d’un montant unitaire de 6 000 €, avait constitué une dépense de 4,8 Md€ en 2022, sachant que 62,4 % de ces primes à l’embauche avaient été versées pour des apprentis issus de l’enseignement supérieur.

Le 25 décembre 2024, dans un contexte de déficit abyssal, le ministère du travail s’est donc vu obligé de décider que l’aide à l’embauche d’apprentis de 6 000 euros serait désormais réservée à compter du 1er janvier 2025 aux entreprises de moins de 250 salariés et aux niveaux bac et infra bac. On revenait ainsi à l’esprit de la loi du 5 septembre 2018. 

Mais le 30 décembre 2024, volte-face du gouvernement ! Il annonce que l’aide "sera d’un montant de 5 000 euros pour l’embauche d’un apprenti au titre de la seule première année du contrat pour les entreprises de moins de 250 salariés et de 2 000 euros pour les autres entreprises", sans distinction du niveau de diplôme préparé ! Le site du ministère du travail indique que le décret instaurant cette aide sera publié courant janvier 2025 après saisine de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) ! 

Une telle annonce est la résultante du lobbying exercé par les promoteurs de l’apprentissage dans le supérieur. Elle est en contradiction totale avec la loi Pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui ciblait les entreprises de moins de 250 salariés embauchant un jeune préparant un diplôme de niveau inférieur ou égal au bac (bac +2 pour les départements et régions d'Outre-mer).

Par cette décision, l’actuel gouvernement, avant même le discours de politique générale du premier ministre et sans donner la parole aux représentants du peuple et aux partenaires sociaux, ne fait que confirmer sa politique arrogante. Cela devient insupportable.

Christian Sauce et Nasr Lakhsassi

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