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Billet de blog 11 mai 2023

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Elèves des Lycées Professionnels : il est temps de se mettre au travail !

Autrefois, on avait considéré comme un progrès la mise en place de l'école obligatoire pour accueillir les enfants d'ouvriers et les soustraire à l'usine et au patronat ; aujourd'hui c’est l'entreprise qui s'installe dans l'école pour en tirer le maximum de profit et exploiter les élèves des Lycées Professionnels.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lors de son déplacement à Saintes, le 4 mai dernier, Emmanuel Macron a exposé son plan pour réformer la voie professionnelle scolaire. Le deuxième en 5 ans ! Il était accompagné de Pap Ndiaye, ministre de l’Education nationale et de deux autres ministres dont les fonctions ne sont pas anodines : Carole Grandjean, ministre de l’enseignement professionnel à la double tutelle, éducation nationale et travail, et Olivier Dussopt, ministre du Travail. Leur présence et la teneur des annonces ont acté le glissement des Lycées Professionnels de l'Éducation nationale vers le ministère du Travail. Cela est extrêmement dangereux à plus d’un titre.

Un peu d’histoire. La réforme Sarkozy-Darcos du Bac Professionnel, expérimentée en 2007 puis généralisée en 2009, réduisait d’une année la scolarité des bacheliers professionnels. Interrogé par le Café pédagogique le 18 octobre 2022 sur cette réforme, le recteur Daniel Bloch n’y allait pas par quatre chemins : ” La réforme Darcos a surtout été celle d'Eric Woerth, ministre du Budget”2 !

Déjà, la perte d’une année de formation allait causer de nombreux problèmes aux élèves qui optaient pour une poursuite d’études. Est arrivée alors la réforme Macron-Blanquer de 2018-2019. Elle a suivi la même logique comptable en supprimant des centaines d’heures d’enseignement. Cependant, elle n’a pas fait disparaître l’aspiration des élèves de la voie pro de poursuivre leurs études, tout particulièrement en sections de technicien supérieur (STS). Il fallait donc une troisième réforme pour enfoncer le clou, celle présentée ce jeudi 4 mai.

Le fil conducteur entre ces trois “réformes”, c’est donc toujours moins d’heures d’enseignement pour les élèves issus des milieux populaires afin de les pousser vers une insertion professionnelle précoce. La vision idéologique de Macron ne manque pas de clarté : de moins en moins de cours en LP au profit de plus en plus de temps passé en entreprises… en fonction des besoins locaux et immédiats !

La réforme du Lycée Professionnel n'est donc pas simplement un cadeau fait au patronat, comme le notent à raison toutes celles et ceux qui analysent de près cette évolution du LP, elle est une capitulation de l’ école publique devant les desiderata du Medef et de la finance. Autrefois, on avait considéré comme un progrès la mise en place de l'école obligatoire pour accueillir les enfants d'ouvriers et les soustraire à l'usine et au patronat ; aujourd'hui c’est l'entreprise qui s'installe dans l'école pour en tirer le maximum de profit ! L'implantation des “bureaux” d’entreprises au sein des LP en est le témoignage. Quel beau et grand projet3 !

Il est donc important de mettre cette “réforme” en parallèle avec celle de l’apprentissage, car tout ce qui est interdit aux Lycées Professionnels est largement toléré pour l’apprentissage : moyens financiers4, poursuite d’études, offre et nature des formations, … Comme toujours avec nos libéraux, des économies sont faites dans le service public pour les transférer dans le secteur privé !

De nombreuses personnalités se sont levées pour dire « Non à l’instrumentalisation de l’enseignement professionnel ». L’intersyndicale voie professionnelle, dans un communiqué, porte l’exigence d’un renforcement du service public d’éducation dans son ensemble. Nous avons le devoir de réagir toutes et tous contre ces dérives.

Christian Sauce et Nasr Lakhsassi

(1) Germain Filoche : La déscolarisation programmée de l'Éducation nationale 

(2) Daniel Bloch : Quelle réforme pour la voie professionnelle ?  

(3) Laurence De Cock : Un plan social pour le lycée professionnel 

(4) Nasr Lakhsassi et Christian Sauce : Quel bilan de l’explosion de l’apprentissage ?

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