Marseille s’effondre sous le poids des non-dits et d’un vote qui interpelle nos consciences. Un vote qui place la cité phocéenne au cœur des ambitions du Rassemblement national. Une triste nouvelle, un vent mauvais montrant une fois de trop que la deuxième ville de France qui se rêve comme porte de la Méditerranée et se projette comme ville-monde se construit malheureusement dans la cacophonie des dissonances politiques et des petits calculs identitaires.
Les chiffres donnent le vertige (plus de 30 % pour le Rassemblement national à Marseille alors qu’à Paris, il n’atteint même pas les 9 % et qu’à Lyon, il dépasse de peu les 13 % des suffrages). Ces scores traduisent une colère profonde qui s’est emparée de toute une partie de la population, traduisant une fracture territoriale, sociale et morale qui entache durablement ce vivre ensemble, cette identité commune inlassablement façonné au gré des épreuves et du temps.
Or, aujourd’hui cette identité marseillaise a volé en éclat, morcelée par les artificiers du désespoir et des électeurs désabusés qui ont placé l’immigration, l’insécurité, au cœur de leurs priorités. Une réalité politique qu’il nous incombe de regarder en face afin d’imaginer collectivement une réponse appropriée.
Nous savons effectivement que Marseille est touchée par une crise sociale et économique qui plonge la ville dans une précarité endémique, condamnant une partie de sa population dès le plus jeune âge : 44 % des moins de 18 ans vivent sous le seuil de pauvreté, le chômage dépasse les 13 %, touchant 30,5% des moins de 25 ans et atteint le taux vertigineux de 49,9% dans certaines cités populaires.

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Le drame de la rue d’Aubagne nous a ouvert les yeux sur une politique du logement qui durant ces trente dernières années a concentré les mêmes populations dans les mêmes endroits, créant une ville à deux vitesses. Dans certains quartiers de Marseille, l’insalubrité n’est pas l’exception mais la règle : 40 000 logements sont classés aujourd’hui comme indignes, soit 10 % du parc immobilier de la cité phocéenne. Les égoïsmes urbains ne cessent de progresser, encouragés par une politique de ségrégation spatiale : 70 % des logements sociaux sont regroupés dans 4 arrondissements de la ville.
Marseille est devenu le théâtre d’un cortège vers la mort. Chaque semaine, des jeunes tombent dans les quartiers, où le seul horizon social et économique semble être le chômage, la misère ou la tombe. Triste feuilleton auquel nous assistons impuissants qui a transformé la cité phocéenne en « Plus belle la mort ». Ce n’est pourtant pas une fiction télévisuelle mais bien une réalité mortifère qui rythme la vie quotidienne des habitants des quartiers populaires.
Face à cette situation, l’histoire nous convoque et nous appelle à prendre nos responsabilités. Marseille est une ville paradoxale, à la fois rebelle et imprévisible mais aussi attachée à son passé millénaire et cosmopolite, tels ces baobabs insolents qui défient le temps.
En avril 2008, Jean-Marie Le Pen lançait un appel au stade Vélodrome, souhaitant faire de Marseille la première étape de sa croisade nationaliste pour la promotion d’une France identitaire, autoritaire et repliée sur elle-même. Marseille a tenu bon. Mais, en 2024, ces héritiers du Rassemblement national sont toujours là, espérant réaliser les desseins funestes de leur fondateur et transformer Marseille en laboratoire de la politique de « préférence nationale » qui tourne le dos à notre histoire républicaine.
Des milliers de Marseillaises et de Marseillais se lèvent, refusant cette fatalité politique, attachés à leur histoire plurielle de « Marseille accueillante », née d’une union entre un immigré et une autochtone, terre de refuge des victimes des massacres et des génocides, lieu d’exil des antifascistes européens, libérée et bâtie par des étrangers venus d’Afrique et de la rive sud de la Méditerranée. Une symbiose identitaire unique que tout le monde nous envie et que nous défendrons corps et âme le 30 juin et le 7 juillet.
Un texte à l'initiative de :
Haidari Nassurdine, Président du Conseil Représentatif des Associations Noires De France et ancien élu de Marseille
Vincent Geisser, Directeur de l’Institut de Recherches et d’Études sur les Mondes Arabes et Musulmans
Les premiers signataires :
- Akli Melouili Sénateur et Vice-Président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
- Phillipe Pujol, écrivain et journaliste, ancien lauréat de prix Albert-Londres
- Hadiren Bels, écrivain scénariste et réalisateur
- Dominique Soppo, Président de SOS Racisme
- Soilihi Chahidati, Présidente du Collectif Mamans citoyennes et élue Les écologistes dans les quartiers Nord de Marseille
- Louis-georges Tin, Ancien Président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France
- Kaouther Ben Mohamed, ancienne chroniqueuse des GG et Présidente de Marseille en colère
- Hakim Mimoun, fondateur de la Fédération de la mixité de France
- Sulaymân Valsan, Directeur adjoint de Preva-net
- Tarek Mami, journaliste
- Mattina Cesare, sociologue
- Ismael Aboudou, Conseiller Principal d’éducation à Marseille
- Marie-Josèphe Isabelle de Roquette Buisson, citoyenne engagée pour le vivre ensemble