Le passage du cyclone Chido a laissé Mayotte en ruines, ravageant les maisons, les familles, et les espoirs d'une population déjà éprouvée par les crises incessantes. Dans ces moments où tout semble s’effondrer, on aurait pu espérer que le président de la République vienne avec des paroles de réconfort, d’amour et de compassion. Des mots qui, même dans le chaos, auraient pu apaiser un peuple dévasté et rongé par ce sentiment d'abandon.
Mais à la place, c’est un tout autre spectacle qui s’est joué. Une scène digne du temps des colonies.
Face à des Mahorais meurtris, le président est apparu, non pas en porteur de consolation, mais en maitre-colon arrogant, criant sur une population qu’il était censé soutenir. « On est foutu parce que vous êtes contents d’être en France ! Si ce n’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde. » Ces mots, d’une indécence crasse et d’une indignité inouïe, ont résonné comme une gifle dans l’esprit des habitants comme une vitupération dans ces âmes perdues sous les décombres des promesses de la République. Comment, en plein cœur de leur malheur, le garant de l’unité nationale a-t-il pu infliger une telle humiliation ?
Ces propos sont une insulte à des hommes et des femmes qui ont tout perdu : leurs maisons, leurs proches, leur dignité. Les Mahorais, citoyens d’un département français, ont été traités comme de simples mendiants quémandant quelques gouttes d’eau, comme des chiens abandonnés à leur sort. Le président de la République a choisi ce moment de désespoir pour rappeler à ces Français d’outre-mer qu’ils doivent s’estimer heureux, même dans la pauvreté, même dans l’insécurité, même dans les ravages successifs des maladies et des cyclones degré rattachés à la France.
Un mépris institutionnalisé
Ce voyage présidentiel a été ressenti comme une véritable humiliation pour Mayotte. Ce n’est pas seulement le président qui a failli, mais tout un système qui considère l’outre-mer comme une périphérie délaissée, une « petite colonie de l’océan Indien », des Français de troisième zone dont la dignité d'homme est remise en question. Les changements de statut, les promesses des ministres, et les belles paroles des gouvernements successifs ne changeront rien à cette réalité : pour l’État, Mayotte ne sera jamais qu’un territoire de passage, un lieu où l’on vient, non pour construire, mais pour sermonner.
Les Mahorais doivent comprendre que, dans les yeux de ceux qui gouvernent, ils ne seront jamais des Français à part entière, mais des sous-citoyens : des « merci-boina », contraints de ramper devant un maître qui viendra, quand il le jugera opportun, leur jeter un peu d’eau ou un peu de charité.
L’outre-mer ou l’outre-tombe de la dignité républicaine
Ces propos présidentiels ne sont pas seulement des mots ; ils incarnent un mépris profond, un abandon institutionnel. Mayotte, comme d’autres départements d’outre-mer, est devenue l’outre-tombe de la dignité républicaine. À force de ne pas être écoutés, de ne pas être respectés, les Mahorais ont perdu foi en l’idée même d’égalité républicaine.
Le cyclone Chido a emporté bien plus que des toits ; il a révélé les failles béantes d’une République qui ne sait plus protéger ses propres enfants. Mais Mayotte, fière et résiliente, saura se relever, malgré tout. Non pas grâce à un État qui humilie, mais grâce à la force de ses habitants, qui refusent de plier face à l’indifférence et au mépris.
Haidari Nassurdine Président du Conseil Représentatif des Associations Noires
Soilihi Chahidati Deuxième Adjointe à la mairie du 15/16 de Marseille en charge de la solidarité et de l' écologie populaire