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Billet de blog 17 mars 2020

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Guerre contre le Covid-19 et violences interpersonnelles : attention danger !

Hier soir, le président de la République a prononcé six fois de suite cette phrase : « C’est la guerre. » Quelles peuvent être les conséquences réelles de ce choix de posture ? Ne sont-elles pas potentiellement aussi préoccupantes que celles du virus lui-même ?

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Le 16 mars 2020, Emmanuel Macron a fait un discours qui restera dans l’histoire tant la crise sanitaire liée au Covid-19 que nous traversons est extraordinaire au premier sens du terme. Ce qui a été marquant dans ses propos, c’est l’utilisation systématique et répétée du mot « guerre ». L’une des pires projections qui soit, adossée à des images, des expériences ou des récits, qui ouvre béante la porte de nos angoisses.

Il est compréhensible que, face à la situation réellement préoccupante en termes d’urgence vitale, le président joue cette carte. Dans le paradigme de la violence habituelle, tout ce qui permet d’activer les stratégies primaires de survie est bon à prendre.

Cependant, les trois stratégies de mon cerveau reptilien sont toujours la fuite, le repli ou l’agression (comme partagé dans le billet « Rester en vie et rester humain »). Des stratégies qui ne favorisent en aucun cas la coopération, la créativité et la solidarité. Si ce n’est essentiellement dans le cercle restreint des proches et des affinitaires. Il y a toujours des exceptions bien entendu, mais cela reste des exceptions.

Et la guerre est binaire, c’est sa nature. Les bons et les méchants, les justes et les iniques, nous contre eux… Elle ne peut brûler et embraser les cœurs que si elle est alimentée par des images d’ennemi. Le Covid-19 serait donc l’ennemi ? Invisible, impalpable, impersonnel, sans visage, sans opinion… Non, c’est impossible.

En revanche, ce sont ses hôtes qui vont le devenir.

Celles et ceux qui seront malades ou suspectés de l’être. Le petit grognement de mécontentement émis la semaine dernière lorsque quelqu’un toussait peut se transformer, à une vitesse de propagation bien supérieure à celle du Covid-19, en élan de mort… L’ennemi deviendra alors cet homme errant aux traits tirés croisé dans la rue (un SDF ou un migrant esseulé), cette femme pâle de fatigue, stressée par le soin devenu complexe à porter à ses jeunes enfants, cette personne âgée désorientée qui fera ses courses en reniflant…

L’ennemi sera l’autre, une fois encore, et les ravages de cette guerre ne permettront pas d’enrayer la maladie mais encore et toujours notre capacité à rester humains et solidaires. Les mots sont viraux, et les catastrophes qu’ils sont capables de provoquer sont immenses. Ils peuvent être le rempart à la barbarie, comme ses déclencheurs.

Par Nathalie Achard

Nathalie Achard a été chargée de communication chez Greenpeace, directrice de campagne de SOSMEDITERRANEE et directrice de la communication du Mouvement Colibris. Médiatrice et facilitatrice, elle organise aujourd'hui des formations à la non-violence au sein d'associations, anime des stages de responsabilisation et de restauration du dialogue en prison, et soutient les collectifs innovants pour favoriser la coopération.

Autrice de La Communication NonViolente à l’usage de ceux qui veulent changer le monde, Marabout, février 2020

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