Le froid n'est pas propice aux idées. Tapies au fond du cerveau, elles hibernent gentiment. Le stylo n'est guère plus vaillant. Alors, on promène un regard engourdi sur les unes des journaux qu'on croise. Les associations qu'on peut faire, au fil des clics, sont d'ailleurs curieuses. Jugez plutôt.
Grâce au Monde j'apprends :
- qu'en Suisse, "le destin des homards vient de changer. Une ordonnance, entrée en vigueur jeudi 1er mars, oblige les cuisiniers à étourdir ces crustacés avant de les mettre à mort. En outre, il est aussi interdit de les transporter sur de la glace ou dans de l’eau glacée : ils doivent être conservés dans leur milieu naturel le plus longtemps possible avant d’être cuits" ;
- qu'avec la hausse de l’immobilier et l’explosion du X sur Internet, le sex-shop se meurt derrière ses rideaux tandis que fleurissent des "love stores", ouverts sur la rue.
Puis je tombe sur une tribune signée par un collectif de 156 députés, essentiellement issus de la majorité, appellant à mieux encadrer les droits et la liberté de mourir des personnes en fin de vie. Et l'on se souvient qu'un jour on a écrit ça et qu'on le pense toujours.
"Je n’ai pas de vision idyllique de la fin de vie, je n’ai pas de « death plan » non plus. Je ne peux pas dire que j’ai des convictions définitives sur le sujet de l’euthanasie.
« Qu’est-ce que la mort, en somme, sinon une lente ascension jusqu’aux ultimes régions de la fatigue ? » (JM Coetzee)
Quand j'y songe des tas de questions déboulent : quelle est la souffrance éminente ? Celle du sujet ? Celle de son entourage ? Car le « désir » d’euthanasie est aussi une « réponse » à la souffrance des vivants. Qu’est-ce qui est insupportable ? Qu’est-ce qu’une vie digne ? Qui décide de cette dignité : la société, prompte de nos jours à renvoyer aux « non-productifs » l’image de leur inutilité ? Les proches ? La personne ? Qu’est-ce qu’une « bonne mort » ?"
"Le choix de la personne doit pouvoir être respecté, quand il est libre, éclairé, soumis à nulle contrainte ou dépression, exprimé de façon réitérée, et que des médecins ont confirmé l’impasse thérapeutique" , écrivent les auteurs de la tribune. Ce qui suppose qu'on soit en mesure de l'exprimer. On ne pense pas toujours, par exemple, à laisser des directives anticipées c'est à dire un document faisant part de nos souhaits concernant notre fin de vie au cas où l'on deviendrait incapable de les partager . Or cette incapacité peut surgir à tout moment. Dans ce cas de figure, quid ?
Plus largement j'en viens à penser que le "social" et la technique sur ce sujet comme d'autres, la bioéthique (PMA, GPA etc.) ou le numérique, vont trop vite pour la loi qui est en passe de devenir une simple signature légitimant ce qui s'est construit sans elle. Dans un siècle qui privilégie les opportunités à la reflexion, c'est préoccupant.
J'apprends aussi par la chaîne Le Media.tv qu'aux Marquises on manifeste contre l'irruption de la pêche industrielle qui, au-delà d'un mode de vie, va détruire de précieuses réserves halieutiques.
Malraux pensait que le XXI ème siècle serait religieux. Nous n'en sommes qu'au début, pour l'heure, le culte de l'argent semble tenir la corde, ce qui n'est pas bon signe.