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Billet de blog 9 juillet 2016

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C'est qui Michel Rocard?

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Elle n'a pas encore 17 ans et quelques raisons de ne pas savoir qui il était.

Passée la description incomplète de sa trajectoire politique et de ses responsabilités publiques, qu'en savais-je moi -même ?

Plus vieux que la damoiselle, nous avons, sans doute tous, en fonction de nos âges et de nos parcours, un Michel  Rocard en tête. Le mien est d'abord un phrasé, un verbe en incises interminables dans lesquelles je me perdais, ne retenant qu'une succession de plages musicales diffuses et saccadées que le temps lissa un peu.

Mon deuxième souvenir est celui d'un type à casquette visitant, paisible,  avec sa femme, le sanctuaire shinto de Fushimi-Inari-Taisha aux environs de Kyoto. Je n'ai pas osé rompre cette discrétion. D'ailleurs, je n'aurais su quoi lui dire à part lui demander bêtement comment il vivait ces lieux ou ce qu'il pensait du shintoïsme.

Je lis chez Madame Wikipédia qu' à fushimi, Inari est considéré comme la divinité de la montagne  où  le sanctuaire est construit. Divinité protectrice, Inari est aussi redouté des hommes, car il peut les ensorceler et même les posséder en prenant l’apparence de moines bouddhistes ou de jeunes femmes séduisantes. Le travestissement n'était pas dans la nature de Michel Rocard. Comme P. Mendès-France, auquel je l'ai toujours associé, il se voulait pédagogue, rigoureux et n'a pas aimé suffisamment le pouvoir pour savoir (ou ne fut jamais prêt à tout pour)  le conquérir. Plus impétueux, peut-être parfois plus rugueux, que son devancier, il a souffert plus que tout autre d'être droit aux yeux d'un vieux renard politicien qui ne lui passa rien.

Me voilà, anonyme choriste à la tribune du Temple où un culte d'adieu lui est rendu, et me parvient une autre voix que celle que je connais.

« J’aurais largement vécu le siècle de la honte. La boucherie de 14-18, la Shoah, le goulag, les génocides du Cambodge, du Rwanda et de Bosnie, l’acquiescement tacite de la communauté internationale à l’assassinat de la nation palestinienne, l’échec répété de la même à entreprendre le dur combat nécessaire contre l’effet de serre, contre les catastrophes créées par la spéculation financière et contre l’impuissance à sortir l’Afrique et l’essentiel de l’Asie du sous-développement... Derrière tous ces drames, l’immoralité aussi bien humaine que financière. La référence première à la raison n’a pas produit d’éthique. Même les socialistes, dont pourtant l’espoir découle d’une morale, n’ont pas su produire un code respecté de références collectives. Ils acceptent même que la raison couvre toujours la plus criminogène de nos valeurs collectives, la souveraineté nationale. »

"Je ne crois plus à aucune transcendance et suis devenu agnostique. Mais je constate que l'humanité n'a pas su trouver en elle-même les sources d'une morale de la vie",  "Toutes les religions ont erré, et péché, comme elles disent. Celle qui m'accueillit, le protestantisme, m'est souvent apparue comme l'une des moins coupables dans l'asservissement des hommes et notamment, critère majeur, des femmes".

"La politique, c'est de horticulture".

Dans sa prédication, le Pasteur L. Schlumberger fait un parallèle entre la parabole évangélique de la "graine de moutarde" et l'action de Michel  : "La plus petite des graines, dit Jésus, semble dérisoire mais grandit sans commune mesure, jusqu’à accueillir les oiseaux du ciel. Cette graine de moutarde qui s’épanouit et offre son ombre à tous ceux qui veulent s’y abriter me parle de l’action politique telle que Michel Rocard la comprenait : portée par une vision de l’avenir, conduite dans une rigueur lucide, épanouie dans le temps long et portant ainsi des fruits pour tous". Une des élégantes piques adressées à quelques éminences présidentielles et gouvernementales assises en face de lui.

Alors, j'ai songé que le temps des convictions s'étiole dans l'instantané et qu'il devient difficile dans un  monde opportuniste de construire une conscience à partager quand ceux susceptibles de lui donner un sens s'en vont.

J'irai dormir en Corse, écrivit-il. Je me dis qu'un jour j'irai peut être lui rendre visite sur son promontoire. Avec un peu de chance, dans le vent et le chant des grillons, y humerai-je un peu de ce qu'il fut.

Alors, c'était qui Michel Rocard ? Un être complexe, compliqué, généreux, libre, trop subtil pour moi, sommes toutes ... un Homme. Ein mensh, serait plus juste, mais la langue française ne sait pas dire cela de manière aussi économe et nette.

PS en complément des extraits de la cérémonie et l'intégralité de la prédication du Pasteur L. Schlumberger :

http://eretoile.org/images/stories/PDF/culte_d_adieu_michel_rocard.pdf

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