Des étoiles de David taguées sur des murs en Ile de France. Des tags bleus réalisés au pochoir qui ravivent de sombres souvenirs chez certains que les médias en continu s’empressent d’aller interroger.
En déplacement à Levallois-Perret, le ministre de l’Intérieur assure qu’à l’heure où « les actes antisémites sont en augmentation dans (notre) pays » la République « va protéger » les Français de confession juive et « aura la main très ferme ».
Une enquête est ouverte et Élisabeth Borne condamne « avec la plus grande fermeté » des « agissements ignobles ». Gerald Darmanin ajoute : « J’ai demandé à tous les préfets de la République de mobiliser la police technique et scientifique pour retrouver les auteurs de ces menaces absolument ignobles » (compte tenu de leurs relations exécrables cet accord sur le qualificatif des actes entre le ministre et la cheffe du Gouvernement mérite d’être noté : je sais, le ricanement est facile).
Il s’agit donc de tags antisémites, l’affaire est entendue. Quoique.
Le parquet, lui, s’interroge. Ces tags ont-il « pour but d’insulter le peuple juif ou d’en revendiquer l’appartenance, notamment puisqu’il s’agit de l’étoile bleue » et non jaune ? Il estime néanmoins nécessaire d’enquêter, « au regard du contexte géopolitique et à son retentissement au sein de la population ».
Mon contexte à moi reste dubitatif, comme le parquet je m’interroge. A l’heure où j’écris, on a appris qu’un couple de moldaves avait été interpellé vendredi dernier (27/10) pour avoir tagué une étoile de David sur un mur dans le 10e arrondissement de Paris, et placé en rétention. 27 octobre 2023 c’est à dire plusieurs jours avant qu’il ne soit fait état dans la presse de tags semblables dans le 14e arrondissement de Paris, à Saint-Ouen, Saint-Denis et Aubervilliers.
Des moldaves. A priori pas le meilleur profil si l’on en juge par le fait que la religion en Moldavie est dominée par la branche orthodoxe du christianisme même s’il y existe une petite communauté musulmane.
Rétention et non garde à vue. Cela aurait dû me faire tiquer. Continuons.
Selon l’AFP, le couple avait été signalé par un riverain ayant vu l’homme et la femme « taguer une étoile bleue », qui a été « effacée le jour même ». Le couple a « déclaré avoir commis cette infraction sur la commande d’un tiers », ajoute le parquet. En situation irrégulière l’un et l’autre, ils ont été conduits dans un centre de rétention administrative, selon ce dernier. La procédure judiciaire a donc été classée en raison d’une « sanction d’une autre nature », c’est-à-dire « leur expulsion du territoire », a-t-il expliqué.
Situation irrégulière, d’où la rétention. Tout s’éclaire. Ou presque.
La France dénonce aujourd'hui une manipulation russe et sur les chaînes en continu on rétropédale sur l'évidence antisémite.
Autre ambiance, autre couleur. Face au « silence » du Conseil de sécurité, l’ambassadeur israélien à l’ONU arbore une étoile jaune frappée des mots « Never again ». « Certains d’entre vous ont oublié pourquoi cette organisation a été créée après la Shoah », s’est écrié Gilad Erdan. « Alors je vais vous le rappeler. À partir de ce jour, à chaque fois que vous me regarderez, vous vous rappellerez ce que cela signifie de rester silencieux face au mal. »
Le geste a provoqué un malaise palpable jusqu’en Israël même. Pour Dani Dayan, directeur de Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem, il déshonore à la fois les victimes de l’Holocauste et l’État d’Israël dans une période où l’antisémitisme refait surface : « L’étoile jaune symbolise l’impuissance du peuple juif et sa dépendance envers les autres. Nous avons désormais un État indépendant et une armée forte. Nous sommes maîtres de notre propre destin. Aujourd’hui, nous accrocherons à notre boutonnière un drapeau bleu et blanc, pas une étoile jaune. »
Ce qui nous ramène à la singularité de nos étoiles bleues.
Dans la sidération où nous sommes, jeter de la confusion sur de l’emballement est explosif. Il devient difficile de s’autoriser à penser, y compris dans les milieux autorisés, pour reprendre la formule de Coluche. Nous sommes en train de perdre toute raison.
C'est ce que ce texte de la journaliste et essayiste Mona Chollet, à lire dans son intégralité (mais publié sous forme de chronique sur MDP), exprime mieux que je ne saurait le faire.