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Billet de blog 15 décembre 2018

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Une fin d'année frontale

Il y a les gilets jaunes qui ont contribué à confirmer une radicalisation sécuritaire et violente du pouvoir ...et il y a l'insidieux, ce qui n'est pas "tendance", pas spectaculaire sur les plateaux télévisés et pourtant ....

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La nasse : une allégorie sociale

La nasse est un panier conique doté d'une entrée en goulot et se terminant en pointe dans lequel le poisson, une fois entré, ne peut plus sortir.

Sa déclinaison policière est à peine différente : des cordons formés de policiers se déplacent de façon à obliger les manifestants à se diriger vers un endroit déterminé. Une fois fixés dans un « enclos », ceux-ci n'ont que deux choix : s'éloigner dans une direction prédéterminée ou demeurer sur place.

La version politique  du mot se déploie ces dernières semaines : prisonnier d'une surdité chronique depuis 18 mois, du sentiment d'avoir pris le bon cap et du souci de jouer les bons élèves budgétaires, la position de premier de cordée étant largement prise par l'Allemagne aux yeux des critères bruxellois, le Gouvernement n'a pas pris la mesure du mouvement des gilets jaunes. Malgré des "effectifs" finalement modestes par rapport à certaines manifestations anciennes (sans pour autant remonter à 1936, se souvenir par exemple de 1995), sans organisation "lisible" ou devrais-je dire "classique" avec représentants officiels et tout et tout  (peut-être est-ce, d'ailleurs, là leur "force" : qui convaincre ?), les gilets jaunes ont obtenu davantage que ce à quoi tendait leur revendication première. Et peut-être, au premier chef, le fait d'être considérés. L'atomisation des solidarités salariales via un management "responsabilisant" ne date pas de ces dernières semaines.  Longtemps, la solitude économique a été plus ou moins compensée par le mouvement associatif. Mais le paravent semble avoir sauté.

Il est intéressant de remarquer que le rassemblement des G J, s'est fait autour d'une mesure fiscale. Où l'on voit, d'abord, que les réformes sociales de l'an dernier ont été presque intériorisées. Personne parmi les "visibles" de GJ  sur nos étranges sinon étrangères lucarnes n'a réclamé, par exemple, ou cela m'a échappé, leur abrogation. Où l'on peut aussi constater, ensuite, la perte de sens de la parole syndicale et politique (pour preuve le taux d'abstention lors dernières élections, qu'elles soient présidentielles, législatives, législatives partielles ou  dernièrement professionnelles : https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/11/la-cfdt-devient-le-premier-syndicat-francais-la-cgt-toujours-en-tete-dans-la-fonction-publique_5395707_3224.html?xtmc=cfdt&xtcr=) .

Le discours économique est lui aussi nassé (pour l'essentiel de la corporation) :  fors TINA quelle perspectives ? Payer plus d'impôts et taxes, quand on n'a pas les moyens de l'optimisation fiscale, pour de moins en moins de services publics est-il indéfiniment soutenable ? Sans parler de ce ressenti (pour reprendre une expression à la mode) de privatisation goulue des gains et de mutualisation obligée des pertes...

Alors, les annonces jupitériennes, diversement comprises, suffiront-elles à sonner la fin du mouvement ? Rien ne le disait jusqu'à l'attentat de Strasbourg.

Et voilà les GJ, en quelque sorte nassés à leur tour.  

"Le mouvement doit cesser" a asséné Nicole Belloubet, ministre de la Justice. D'autres furent plus subtils dans la récupération du drame alsacien. Mais la question reste pendante : trêve ou reprise après les fêtes ? Tout dépendra semble-t-il à ce jour, de ce qui sortira, au final, du chapeau législatif. Et de la feuille de paie du mois de janvier....

Des toges en colère

Pour qui n'est pas juriste, cela pourrait apparaître anecdotique mais cela n'a rien d'anodin : comme le rapporte la revue Dalloz Actualités, peu suspecte de bolivarisme juridique, le projet de loi de réforme de la justice ulcère les avocats, rejoints, mercredi dernier par l'Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature. Tous demandent son retrait : dévitalisation des petits tribunaux, atteintes au droit de la défense en matière pénale, via, par exemple, la banalisation des techniques spéciales d'enquête (écoutes téléphoniques, géolocalisation, etc.), l' extension des prérogatives des procureurs, lesquels ne sont pas indépendants. On ne parle pas des blocages des tribunaux, on devrait. Les films d'Hitchcock où des lambdas se trouvent pris dans un engrenage juridique hasardeux et presque irrésistible n'ont rien d'une fiction.

Pour plus de détails lire ici, par exemple : http://www.slate.fr/story/171198/reforme-judiciaire-nicole-belloubet-justice-protestations-avocats-magistrats?utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1544787853

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