Je me souviens de ma première minute de silence : c'était lors de la mort du Général de Gaulle. Nous nous étions levés et notre professeur d'anglais, solennel, nous avait lu un texte du Général (était-ce un extrait des "mémoires d'espoir" ?). A la maison on n'était pas gaulliste. Pour moi, Mongénéral, c'était, à l'époque, les imitations d'Henri Tisot et le dessin de Moisan très louislequatorzième en exergue de la rubrique "La Cour" du Canard enchaîné. J'avais 13 ans et la signification de ce moment m'était étrangère.
Je ne me souviens pas m'être tenue à la minute pour Georges Pompidou, ni à celle décrétée pour François Mitterrand, non par indifférence mais par honnêteté : je ne voyais pas pourquoi me taire en hommage à deux hommes si éloignés de moi. Mon mimétisme n'allait pas jusque là. Si 1981 m'avait brièvement fait rêver, l'homme MItterrand ne m'inspirait qu'une méfiance tenace. Mes inclinations politiques allaient à P. Mendès - France que je n'avais pas connu aux affaires, pourtant, mais que j'admirais surtout, à ce moment là, pour sa position vis à vis de la question palestinienne. Concret, clair et claivoyant PMF préférait l'efficacité comprise par tous aux paroles verbales.
Je me souviens, par contre, très bien de la minute observée pour les victimes du 11 septembre 2001. Dans la petite ville de Bruges où je me trouvais alors, un carillon avait figé dans les rues et sur la place du Markt, dans un silence sidéré, les habitants et les touristes de tous horizons venus là. Dans quoi étions - nous entrés (ou tombés), pensions - nous ? Plus tard, quand la riposte guerrière se fit plus précise, j'ai pensé que cette communion pétrifiée mais sincère avait vécu.
Vinrent les attentats de janvier 2015 en France et cette sorte d'urgence du rassemblement pour signifier le refus d'un engrenage, d'une forme de prêt à penser, une solidarité à l'endroit de personnes qu'on ignorait la veille. Beau mouvement prestement récupéré et depuis lors recyclé à l'envi par nos politiciens tous bords confondus.
Puis il y eu le 13 novembre 2015 à Paris, une autre sidération, et le 14 juillet 2016 à Nice. Les deuils nationaux s'allongèrent sans que l'activité économique désormais cesse pour autant : "business must go on". Nos politiques, au taquet de leurs primaires respectives, rivalisèrent d'inanité, de bêtise et de mauvaise foi. L'invective réduisit le silence à l'insignifiance. L'illusion de janvier fut à ajouter aux disparus de la promenade des Anglais.
Alors, allez savoir pourquoi - les associations d'idées sont mystérieuses - me revinrent en mémoire les minutes nécessaires de Monsieur Cyclopède (qui duraient d'ailleurs un peu plus d'une minute) si décriées en leur temps, si improbables maintenant. Mais peut-être pas si hors sujet. Telle celle-ci.
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