Outre l’absence de descriptif, l’absence de matérialisation de cet accompagnement est marquante. Par exemple, nous ne sommes que très rarement présents lors des conseils de classe ou dans les réunions qui concernent les élèves. Alors effectivement, la plupart du temps ce sont les CPE qui assistent à ce genre de réunion et qui nous transmettent ensuite les informations nécessaires. Mais soyons honnêtes, qui est vraiment capable de faire un suivi efficace de plusieurs centaines d’élèves ? Et comment est-ce possible de rendre fidèlement un jugement sur des enfants que l’on ne côtoie pas quotidiennement ?
Les seuls qui soient quotidiennement au contact des élèves sont les profs et les AED et les uns comme les autres ne peuvent pas, eux non plus, être attentifs à l’ensemble des élèves tant les taux d’encadrement de l’Éducation Nationale sont à l’opposé de toutes préconisations pédagogiques. Mais au-delà même de ce contact avec les élèves, c'est la relation qui va avoir une importance particulière. Sans revenir sur les notions d’autorité et de confiance, il n’est pas absurde de penser que les profs auront d’abord un regard scolaire sur les enfants et que les élèves eux-même auront du mal à envisager un rapport autre avec ces adultes détenteurs du savoir. Étant présents dans tous les moments informels du quotidien scolaire des élèves il est normal que ceux et celles-ci envisagent une relation différente avec nous qu’avec les profs.
De cette relation différente va naître aussi un regard différent de notre part. Et la confiance des élèves envers les uns et les autres va nous ouvrir sur les histoires personnelles et c’est alors un accompagnement social que nous allons engager. Pourtant nous ne sommes pas assistantes et assistants sociaux, pas plus qu’éducateurs ou éducatrices spécialisés et lorsque les élèves nous racontent leurs problèmes on nous conseille trop souvent de passer la main. Mais à qui ? Les personnels compétents dans les établissements sont tous en sous effectifs, rarement à temps plein et pas toujours à même de nouer une relation de confiance avec les élèves. Alors même si nous n’avons ni compétence ni formation nous nous retrouvons à écouter, conseiller, raisonner les élèves dans des situations qui se cantonnent rarement au seul cadre de l’École.
C’est une forme d’accompagnement au même titre que celui que nous pouvons avoir en étude lorsque nous les aidons pour leurs devoirs. Et il est insensé de penser que les problèmes dont ils et elles nous ont parlé ne nous concernent plus dès le moment où nous en avons fait part aux CPE rattachés au groupe de niveau de l’élève. De même est-ce que notre accompagnement éducatif se cantonne à l’aide aux devoirs où est-ce qu’il ne se fait pas dans l’ensemble des temps de la vie scolaire et des temps informels par un accompagnement moral et citoyen ? Repas, gestions de conflits, discussions, débats, partages ne sont-ils pas aussi des moments d’Éducation?
Peut-être qu’avoir un suivi pédagogique pourrait vouloir dire tout ça en même temps ? Éducatif, social, moral, affectif, ce sont des accompagnements variés, certes, mais pourtant indispensables au bien être des élèves chez qui le stress prend de plus en plus le pas sur l’insouciance au fur et à mesure des années. Mais voulons-nous réellement de cet accompagnement pédagogique ? Le bien être des élèves est-il réellement nécessaire ou bien le stress est-il lui aussi un outil de l’École pour trier celles et ceux capables d’y résister ? « L’Égalité des chances » tant prônée par le ministère ne passe-t-il pas aussi par une égalité d’apaisement et de sérénité à l’École ? Nous sommes prêts à faire de cet accompagnement notre tâche, mais nous la voulons formalisée, concrète légalement, matériellement et financièrement ? Mais encore faut-il que l’accompagnement des élèves soit réellement une volonté de l’Éducation Nationale. L’est-il ?