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Billet de blog 1 août 2024

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Quelle connerie... le patriotisme !

Qui ne se souvient du poème de Prévert, « Barbara » et de son célèbre vers en forme d'apophtegme ; « Oh Barbara Quelle connerie la guerre » ? Par les temps que nous vivons, temps de bannières déployées et d'hymnes guerriers entonnés, peut-être convient-il de murmurer, pour le moins : quelle connerie le patriotisme !

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Qui ne se souvient du poème de Prévert, « Barbara » et de son célèbre vers en forme d'apophtegme ; « Oh Barbara Quelle connerie la guerre » ? Par les temps que nous vivons, temps de bannières déployées et d'hymnes guerriers entonnés, peut-être convient-il de murmurer, pour le moins : quelle connerie le patriotisme !

La France ! La France ce soir-là fascina le monde entier, dit-on. Mais quelle est donc cette France si fascinante. Ce n'est certes pas la France des plus ou moins dix millions de pauvres qui subsistent avec quelques euros quotidiens. Ce n'est certainement pas la France de celles et ceux qui jour après jour assument les tâches harassantes et répugnantes, l'inéluctable prosaïque (E. Morin), ces invisibles, à moins que l'on ne s'aventure dans dans le premier métro où ils sommeillent un instant avant d'affronter, non pas le travail, mais l'insupportable corvée.

Ce n'est évidemment pas la France des « sans-logis », des « sans- domicile-fixe » qui ordinairement errent par les rues et que l'on vient de chasser des centres-villes et de parquer en des lieux incertains où ils ne feront pas tache dans la somptuosité du clinquant olympique.

Cette France chatoyante c'est évidemment celle des privilégiés, entrepreneurs, financiers, artistes de renom ou footballeurs aux salaires mirobolants. C'est la France des riches.

Et les riches, on le sait sont patriotes... pourvu qu'on ne touche pas à leur pécule. Et les riches ne craignent pas la diversité, tant ils sont divers et de toutes les couleurs mais diversité bien particulière, à toute épreuve, car cimentée par ce liant adamantin : l'argent.

Comment alors ne pas être abasourdi à la lecture de ce propos de Manuel Bompart proclamant : « Quelle fierté quand la France parle au monde... ! ». Quelle fierté ? La fierté de cette France-là, celle de B. Arnaud dont les journalistes de Médiapart, notamment Mathias ThépotJustine Brabant et Lénaïg Bredoux ont méticuleusement mis en évidence comment il a fait main basse sur Paris et les J.O. pour son plus grand profit?

Abasourdi, en outre quand Mathilde Panot a « remercié les organisateurs pour avoir sublimé notre héritage révolutionnaire et la France telle qu'elle est dans toute sa richesse». Mot malheureux s'il en fut car la richesse ostentée lors de cette cérémonie est celle des milliardaires et de leurs échansons plus ou moins grassement rétribués.

Ne sait-on pas suffisamment aujourd'hui que le capitalisme, ce bon vieux capitalisme euphémisé en libéralisme ou néo-libéralisme, a su intégrer à son fonctionnement toutes les déviances qui se donnaient pour mission de le détruire ? Ainsi par exemple du syndicalisme qui en sa fameuse Charte d'Amiens (13 octobre 1906) se propose de « réaliser l'émancipation intégrale par l'expropriation capitaliste » et qui, progressivement, a été intégré au « système » sous la figure de « partenaires sociaux », ce syndicalisme qui s'est mué en un rouage essentiel du capitalisme au point d'être loué périodiquement pour son sens des responsabilités par la caste dominante.

Sans doute peut-on se réjouir de la célébration spectaculaire

(spectaculaire, en effet, au sens de Guy Debord) de cette diversité culturelle, de ce multiculturalisme dont on dit qu'elle était remarquablement réalisée (je ne sais pas, je n'ai pas regardé sinon quelques images par-ci, par-là publiées le lendemain), de ces statufications « révolutionnaires » (Louise Michel doit se retourner dans sa tombe) mais sans omettre de noter, pour le moins, que le spectacle passe sous silence cette autre diversité, socio-économique celle-ci, qui fait cohabiter en une même « patrie » pauvres et riches, milliardaires et « défavorisés » comme on dit pudiquement.

Alors tout de même, pas de quoi être fier de dilapider des milliards d' euros pour une « manifestation sportive » quand on sait bien qu'il y a dans ce pays plus de dix millions de pauvres, de très pauvres et des millions d'un peu moins pauvres qui font la queue aux « restos du cœur » impuissants à satisfaire la demande.

Pas de quoi être fier d'avoir consenti au « nettoyage ethnique » qui a vidé les rues des miséreux, des sans-logis, (des riens sans doute ?) pour les parquer on ne sait où afin qu'ils ne déparent pas dans le féérique spectacle.

Pas de quoi être fier pour une gauche qui ose parfois se dire révolutionnaire d'avoir applaudi aux flonflons de ce patriotisme dégoulinant, à cette foule en délire, à ces enfants peinturlurés aux couleurs de la patrie, prédisposés ainsi pour le jour où ils devront, sous ces couleurs « mourir pour la patrie », Oh Barbara, quelle connerie la guerre! Tout cela pour tenter désespérément de gagner la faveur du peuple ce que les fascistes savent faire excellemment.

Car qu'est-ce donc que ce patriotisme sinon tout à la fois un subterfuge, un artifice, un leurre et une imposture propres à stimuler les passions au profit d'une oligarchie dominante pour laquelle, foin de patriotisme, l'argent n'a pas de frontières. Qu'est-ce donc que ce patriotisme quand nul n'a choisi de naître ici plutôt que là, quand nul acte de volonté, nul acte libre ne le détermine ? Qu'est-ce donc sinon une absurdité radicale ?

Ainsi, paraît-il, lorsque l'on demandait à Socrate d'où il était il ne disait pas d'Athènes mais « du monde ». Et c'est bien cela que nous sommes tous, en tout universalisme et au-delà des particularismes indéniables : « Citoyens du monde ». Notion celle-ci dont la riche histoire s'étend des Stoïciens à Gary Davis, Camus, Einstein, Sartre et bien d'autres jusqu'à Martha C. Nussbaum.

Pour ma part celui que je préfère c'est Diogène, Diogène le Cynique, celui qui avait choisi de dormir dans une sorte de tonneau couché sur le flanc (pithos), ce précurseur de la sobriété (qui nous fait tant défaut aujourd'hui) qui, voyant un enfant boire dans le creux de ses mains, se défit de son écuelle : puisqu'il était possible de s'en passer. Diogène, celui qui osa dire à Alexandre le grand « ôte-toi de mon soleil » et qui si on lui demandait d'où il venait répondait : « Je suis citoyen du monde » (Diogène Laërte : « vies et doctrines des philosophes illustres »).

Enfin, peut-être n'est-il pas inutile de préciser que revendiquer pour patrie le monde comme dit Diogène n'interdit pas d'aimer la terre où l'on est né. Pour ma part je reconnais mon Quercy natal quand j'y viens en automne à ses senteurs de menthe sauvage et de noyers roussissants comme je reconnais cet Aragon de mes ancêtres à ses senteurs de sauge, de lavande et de thym asséchés par un soleil de feu.

Mais « mourir pour la patrie ? » Oh Barbara, quelle connerie...

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