Iglesias vainqueur donc. Puisqu’il en faut un. Puisqu’il s’agissait d’un match ou plutôt, pour continuer à filer la métaphore pugilistique, d’un combat. Il s’agit bien sûr ici du débat organisé lundi soir par « El País », journal de référence comme on le sait, diffusé sur internet et dont Ludovic Lamant nous donne comme à son habitude un compte rendu fouillé et pertinent.
Iglesias est déclaré vainqueur par les auditeurs-spectateurs qui avaient sur différents sites la possibilité de voter pour désigner celui qui leur semblait dominer les autres. Iglesias s’impose dès le début, marque des points et laisse ses concurrents sur place ou presque. Score final d’après les votants d’El País : Iglesias 47,01%, Rivera (Ciudadanos) 28,9% et Sanchez (PSOE) 24,09%. Les résultats sont semblables sur d’autres sites réputés de gauche.
Et la démocratie dans tout ça ? Que devient-elle dans cette mise en scène dont il convient alors de tenter d’en décrypter les intentions.
Les voici tous les trois debout derrière leur pupitre respectif : Sanchez au milieu, Iglesias à sa gauche et Rivera à sa droite, le hasard fait bien les choses. Le quatrième pupitre à l’extrême gauche est inoccupé puisqu’il était destiné à l’actuel chef du gouvernement Rajoy qui a préféré déserter.
Présentations, autocongratulations des journalistes maison… un mot du terrorisme bien sûr et on commence par l’économie : vous avez chacun deux minutes ! Rivera se lance, à toute blinde, deux minutes c’est court et il a tant à dire de sorte que la rapidité du débit confine à la virtuosité. Au suivant, même débit rapide, même virtuosité langagière, un délice pour les amoureux du castillan même si les spectateurs sages comme des images ont du mal à suivre, peu importe, ce n’est manifestement pas pour eux que l’on s’agite frénétiquement mais pour « gagner le combat ».
Fin du premier round, les athlètes de la rhétorique regagnent leur coin où les attendent maquilleurs et conseillers, encore quelques retouches et on regagne le ring.
Et ça recommence, mais tout de même, ce n’est pas humain ces monologues, alors les prétendants à la présidence du gouvernement (car c’est de cela qu’il s’agit) commencent timidement à se tourner les uns vers les autres, à se regarder un peu, et ils s’enhardissent, et les coups bas partent, mais ça ne dure pas. Fin du deuxième round. Il y en aura quatre ainsi et pour finir ce que le modérateur appelle la minute d’or : une minute pour dire « votez pour moi ! ».
Sauf Iglesias qui conseille de lire les programmes pour se déterminer intelligemment. Mais alors à quoi aura servi ce débat ? A faire la promotion d’un journal qui fut une référence ? Mais ceci alors au détriment d’une réflexion sérieuse sur les programmes, sérieuse c’est-à-dire non spectaculaire, où la question « qui a gagné ? » ne serait pas posée car alors il faudrait répondre : certainement pas la Démocratie.